re un assassinat monstrueux de femmes
et d'enfants? L'ennemi tiendra-t-il au secret une des plus grandes
agglomerations humaines, sous l'inflexible vigilance d'une armee de
geoliers? Arrivera-t-il a tuer la France en etouffant la voix de Paris?
Il allait etre donne a l'une des plus grandes decouvertes de notre genie
scientifique, de dejouer les projets de nos envahisseurs. Les aerostats si
oublies, si delaisses depuis leur apparition, ces merveilleux appareils
sortis tout d'une piece du cerveau des Montgolfier et des Charles,
allaient tout a coup reparaitre, pour contribuer a la defense de la
Patrie, en lui portant par la voie des airs, l'ame de sa capitale. Les
aeronautes, plus audacieux que l'ancien monarque de Syrie, se preparaient
a franchir le cercle d'un nouveau Popilius!
Sans les ballons, pas une lettre ne serait sortie de l'enceinte des forts,
pas une depeche n'y serait rentree. Les portes ne se seraient ouvertes
qu'au mensonge, a la ruse, a l'espionnage. Un silence de cinq mois n'eut
pas ete possible. La grande metropole, baillonnee, aurait vite fait
entendre un murmure de detresse, puis un cri de grace! Car n'oublions pas
que les aerostats n'ont pas seulement emporte les depeches parisiennes,
ils ont emmene avec eux les pigeons voyageurs, qui devaient rentrer dans
les murs de la capitale cernee. Les missives du dedans ont pu recevoir
ainsi les reponses du dehors. Tours a entendu Paris, Paris a entendu
Tours. L'Attila des temps modernes, qui avait ecrase des armees, bombarde
des villes, decime des populations entieres, s'est trouve impuissant
devant l'aerostat qui traversait les airs, comme devant l'oiseau qui
fendait l'espace!
Le premier depart aerien s'executa le 23 septembre; Jules Duruof s'eleve
en ballon du la place Saint-Pierre a 8 heures du matin. Deux aerostats le
suivent dans les airs, le 25 et le 26 du meme mois. Mon frere et moi,
qui avons fait, les annees precedentes, un grand nombre d'ascensions en
artistes et en amateurs, nous offrons nos services a M. Rampont. Paris,
disons-nous, peut perdre deux soldats pour gagner deux courriers aeriens.
Les gardes nationaux ne manquent pas ici, mais les aeronautes sont rares.
Le jour meme du depart de Louis Godard, un des administrateurs de la Poste
m'appelle aupres de lui.
--Vous etes pret a partir en ballon, me dit-il.
--Quand vous voudrez.
--Eh bien! nous comptons sur vous demain matin a 6 heures, a l'usine de
Vaugirard; votre ballon sera gonf
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