le, nous vous confierons nos lettres et
nos depeches.
Le 30 septembre, a 5 heures du matin, je pars de chez moi avec mes deux
freres qui m'accompagnent. J'arrive a l'usine de Vaugirard, mon ballon est
gisant a terre comme une vieille loque de chiffons. C'est le _Celeste_, un
petit aerostat de 700 metres cubes, que son proprietaire a genereusement
offert au genie militaire. Pour moi c'est presque'un ami, je le connais
de longue date; il a failli me rompre les os, l'annee precedente. Je le
regarde avec soin, je le touche respectueusement, et je m'apercois, helas!
qu'il est dans un etat deplorable. Il a gele la nuit; le froid l'a saisi,
son etoffe est raide et cassante. Grand Dieu! qu'apercois-je pres de la
soupape? des trous ou l'on passerait le petit doigt, ils sont entoures de
toute une constellation de piqures. Ceci n'est plus un ballon, c'est une
ecumoire.
Cependant les aeronautes qui doivent gonfler mon navire aerien, arrivent.
Ils ont avec eux une bonne couturiere qui, armee de son aiguille, repare
les avaries. Mon frere prend un pot de colle, un pinceau, et applique
des bandelettes de papier sur tous les petits trous qui s'offrent a son
investigation minutieuse. C'est egal, je ne suis que mediocrement rassure,
je vais partir seul dans ce mechant ballon, use par l'age et le service;
j'entends le canon qui tonne a nos portes; mon imagination me montre les
Prussiens qui m'attendent, les fusils qui se dressent et vomissent sur mon
navire aerien une pluie de balles!
La derniere fois que je suis monte dans le _Celeste_, je n'ai pu rester en
l'air que trente-cinq minutes! Toutes les perspectives qui s'ouvrent a mes
yeux ne sont pas tres-rassurantes.
--Ne partez pas, me disent des amis, attendez au moins un bon ballon;
c'est folie de s'aventurer ainsi dans un outil de pacotille.
Cependant, MM. Bechet et Chassinat arrivent de la Poste avec des ballots
de lettres. M. Herve Mangon me dit que le vent est tres-favorable, qu'il
souffle de l'est et que je vais descendre en Normandie; le colonel Usquin
me serre la main et me souhaite bon succes. Puis bientot M. Ernest Picard,
a qui je suis specialement recommande, demande a m'entretenir; pendant une
heure, il m'informe des recommandations que j'aurai a faire a Tours au
nom du gouvernement de Paris; il me remet un petit paquet de lettres
importantes que je devrai, dit-il, avaler ou bruler en cas de danger. Sur
ces entrefaites, le soleil se leve, et le ballon se gonfle. Ma
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