ce, de grandes aigles dorees dominent au haut des tours. Apres
avoir passe une grande porte, nous nous trouvames dans la place et
vis-a-vis du palais. L'Empereur y etait depuis la veille, car, du 14
au 15, il avait couche dans un faubourg.
A notre arrivee, nous y rencontrames des amis du 1er regiment de
chasseurs qui etaient de piquet et qui nous retinrent a dejeuner. Nous
y mangeames de bonnes viandes, chose qui ne nous etait pas arrivee
depuis longtemps; nous y bumes aussi d'excellent vin. Le juif, que
nous avions toujours garde avec nous, fut force, malgre toute sa
repugnance, de manger avec nous et de gouter du jambon. Il est vrai de
dire que les chasseurs, qui avaient beaucoup de lingots en argent qui
venaient de l'hotel de la Monnaie, lui promirent de faire des
echanges; ces lingots etaient aussi gros qu'une brique et en avaient
la forme: il s'en est trouve beaucoup.
Il etait pres de midi que nous etions encore a table avec nos amis, le
dos appuye contre des grosses pieces de canon monstre, qui sont de
chaque cote de la porte de l'arsenal qui est en face du palais,
lorsqu'on cria: "Aux armes!" Le feu etait au Kremlin. Un instant
apres, des brandons de feu tombaient dans la cour ou se trouvaient de
l'artillerie de la Garde, avec tous les caissons; a cote se trouvait
une grande quantite d'etoupes, que les Russes avaient laissee, et
dont deja une partie etait en flammes. La crainte d'une explosion
occasionna un peu de desordre, surtout par la presence de l'Empereur
que l'on forca, pour ainsi dire, de quitter le Kremlin.
Pendant ce temps, nous avions dit adieu a nos amis; nous etions partis
pour rejoindre le regiment. Notre guide, a qui nous avions fait
comprendre l'endroit ou il etait, nous fit prendre une direction par
ou, nous disait-il, nous aurions plus court, mais il nous fut
impossible d'y penetrer; nous en fumes repousses par les flammes. Il
nous fallut attendre qu'un passage fut libre, car, dans ce moment,
tout etait en feu autour du Kremlin, et l'impetuosite du vent qui,
depuis quelque temps, soufflait d'une force extraordinaire, nous
lancait des pieces de bois enflammees dans les jambes, ce qui nous
forca de nous abriter dans un souterrain ou deja beaucoup d'hommes
etaient. Nous y restames assez longtemps, et, lorsque nous en
sortimes, nous rencontrames les regiments de la Garde qui allaient
s'etablir dans les environs du chateau de Peterskoe, ou l'Empereur
allait loger. Un seul bataillon, le premier
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