e chemin, pour l'avoir fait
deux fois, mais comme tout changeait a chaque instant, par suite de
l'eboulement des rues, nous fumes bientot egares. Apres avoir marche
quelque temps sans direction certaine, suivant comme le feu nous le
permettait, nous rencontrames, fort heureusement, un juif qui
s'arrachait la barbe et les cheveux en voyant bruler sa synagogue,
temple dont il etait le rabbin. Comme il parlait allemand, il nous
conta ses peines, en nous disant que lui et d'autres de sa religion
avaient mis, dans le temple, pour le sauver, tout ce qu'ils avaient de
plus precieux, mais qu'a present, tout etait perdu. Nous cherchames a
consoler l'enfant d'Israel, nous le primes par le bras, et nous lui
dimes de nous conduire au Kremlin.
Je ne puis me rappeler sans rire, que le juif, au milieu d'un pareil
desastre, nous demanda si nous n'avions rien a vendre, ou a changer.
Je pense que c'est par habitude qu'il nous fit cette question, car,
pour le moment, il n'y avait pas de commerce possible.
Apres avoir traverse plusieurs quartiers, dont une grande partie etait
en feu, et avoir remarque beaucoup de belles rues encore intactes,
nous arrivames sur une petite place un peu elevee, pas loin de la
Moskowa, d'ou le juif nous fit remarquer les tours du Kremlin que l'on
distinguait comme en plein jour, a cause de la lueur des flammes; nous
nous arretames un instant dans ce quartier, pour visiter une cave d'ou
quelques lanciers de la Garde sortaient. Nous y primes du vin et du
sucre, beaucoup de fruits confits; nous en chargeames le juif, qui
porta tout sous notre protection. Il etait jour lorsque nous
arrivames, pres de la premiere enceinte du Kremlin: nous passames sous
une porte batie en pierre grise, surmontee d'un petit clocher ou il y
avait une cloche, en l'honneur d'un grand saint Nicolas qui se
trouvait dans une niche dessous la porte, et a gauche en entrant. Ce
grand saint, qui avait au moins six pieds, et richement habille, etait
adore par chaque Russe qui passait, meme les forcats: c'est le patron
de la Russie.
Lorsque nous fumes au dela de la premiere enceinte, nous tournames a
droite ou, apres avoir longe une rue que nous eumes beaucoup
d'embarras de traverser, a cause du desordre qu'il y avait par suite
du feu qui venait de se declarer dans plusieurs maisons ou s'etaient
etablies des cantinieres de la Garde, nous arrivames, non sans peine,
contre une haute muraille surmontee de grandes tours. De distance en
distan
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