mort de mon pauvre oncle, devenue ta
fille, n'est-ce pas?
--Sans doute.
--Eh bien! tu ne marieras pas ta fille sans la doter; donne-lui la
moitie de ma part, et en nous mariant nous aurons un apport egal.
--Allons, decidement, tu es tout a fait fou.
--Non, mon pere, et je t'assure que je n'ai jamais parle plus
serieusement; car je m'appuie sur ta bonte, sur ta generosite, sur ton
coeur, et cela n'est pas folie.
--Tu as raison de croire que je doterai Madeleine; nous nous sommes deja
entendus a ce sujet, ta mere et moi, de meme que nous nous sommes
entendus aussi sur le choix du mari que nous lui donnerons.
--Charles! interrompit vivement madame Haupois en mettant un doigt sur
ses levres; puis tout de suite s'adressant a son fils: C'est assez; nous
savons les uns et les autres ce qu'il etait important de savoir; ton
pere et moi nous connaissons tes sentiments, et tu connais les notres:
il est tard; nous sommes fatigues, et d'ailleurs il ne serait pas sage
de discuter ainsi a l'improviste une chose aussi grave; nous y
reflechirons chacun de notre cote, et nous verrons ensuite chez qui ces
sentiments doivent changer. Reconduis-moi.
XI
Les mauvaises dispositions manifestees par son pere et sa mere ne
pouvaient pas empecher Leon de s'occuper des affaires de Madeleine: tout
au contraire.
Le lendemain, il parla a son pere de son projet d'aller a Rouen pour
voir quelle etait precisement la situation de son oncle.
Mais, aux premiers mots, M. Haupois l'arreta:
--Ce voyage est inutile, dit-il, j'ai deja ecrit a Rouen, et j'ai charge
un de mes anciens camarades, aujourd'hui avoue, de mener a bien cette
liquidation; il vaut mieux que nous ne paraissions pas; un homme
d'affaires viendra plus facilement a bout des creanciers.
Le mot "liquidation" avait fait lever la tete a Leon, l'idee de venir
"a bout des creanciers facilement" le souleva:
--Pardon, s'ecria-t-il, mais l'intention de Madeleine est d'abandonner
tous les droits qu'elle tient de sa mere, pour que les creanciers soient
payes; il n'y a donc pas a venir a bout d'eux.
--Ceci me regarde et ne regarde que moi; les droits de Madeleine sont
insignifiants, et si c'est pour en faire abandon que tu veux aller a
Rouen, ton voyage est inutile.
--Je te repete ce que Madeleine m'a dit.
--C'est bien, je sais ce que j'ai a faire. Mais puisqu'il est question
de Madeleine, revenons, je te prie, sur notre entretien d'hier soir: ce
n'est pas seri
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