celle-la.
Enfin il se remit.
--Il y a une question que j'ai adressee a ma mere, veux-tu me permettre
de te la poser?
--Laquelle?
--En quoi est-ce folie de vouloir epouser Madeleine?
--Elle n'a pas un sou.
--Je ne tiens nullement a epouser une femme riche.
--Nous y tenons, nous!
--Je ne t'obligerai jamais, dit M. Haupois, a epouser une femme que tu
n'aimerais pas, mais je te demande qu'en echange tu ne prennes pas une
femme qui ne nous conviendrait pas.
--En quoi Madeleine peut-elle ne pas vous convenir? ma mere
reconnaissait tout a l'heure qu'elle etait charmante sous tous les
rapports.
--Sous tous, j'en conviens, repondit M. Haupois, sous un seul excepte,
sous celui de la fortune; ta position....
--Oh! ma position.
--Notre position si tu aimes mieux, notre position t'oblige a epouser
une femme digne de toi.
--Je ne connais pas de jeune fille plus digne d'amour que Madeleine.
--Il n'est pas question d'amour.
--Il me semble cependant que, si l'on veut se marier, c'est la premiere
question a examiner, repliqua Leon avec une certaine raideur, et pour
moi je puis vous affirmer que je n'epouserai qu'une femme que j'aimerai.
Peu a peu le ton s'etait eleve chez le pere aussi bien que chez le fils,
madame Haupois jugea prudent d'intervenir.
--Mon cher enfant, dit-elle avec douceur, tu ne comprends pas ton pere,
tu ne nous comprends pas; ce n'est pas sur la femme, ce n'est pas sur
Madeleine que nous discutons, c'est sur la position sociale et
financiere que doit occuper dans le monde celle qui epousera l'heritier
de la maison Haupois-Daguillon. Aie donc un peu la fierte de ta maison,
de ton nom et de ta fortune. Autrefois on disait: "noblesse oblige"; la
noblesse n'est plus au premier rang; aujourd'hui c'est "fortune qui
oblige". Tu sens bien, n'est-il pas vrai, que tu ne peux pas epouser une
femme qui n'a rien.
Depuis que ce gros mot de fortune avait ete prononce, Leon avait une
replique sur les levres: "Mon pere n'avait rien, ce qui ne l'a pas
empeche d'epouser l'heritiere des Daguillon;" mais, si decisive qu'elle
fut, il ne pouvait la prononcer qu'en blessant son pere aussi bien que
sa mere, et il la retint:
--Il y aurait un moyen que Madeleine ne fut pas une femme qui n'a rien,
dit-il en essayant de prendre un ton leger.
--Lequel? demanda M. Haupois, qui n'admettait pas volontiers qu'on ne
discutat pas toujours gravement et methodiquement.
--Elle est, par le seul fait de la
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