s conscrits de quelques jours si
meticuleux sur la question du confortable, j'en avais remarque un qui,
la veille au soir, avait paru surpris de ne point trouver de souper
dresse sous la tente.
--A quoi songe-t-on?--s'etait-il ecrie.
Les yeux ouverts, sa surprise devint de l'indignation. Le dejeuner
n'arrivait pas.
--Si c'est comme cela qu'on nous traite, murmura-t-il, que sera-ce en
campagne?
Je ne doutais pas que ce ne fut quelque fils de famille, comte ou
marquis, tombe du faubourg Saint-Germain en pleine democratie. Un
camarade discretement interroge m'apprit que le gentilhomme inconnu
s'essayait la veille encore dans l'art utile de tirer le cordon.
C'est, au reste, une remarque que je n'eus pas seul occasion de faire.
Les exigences des mobiles de Paris croissaient en raison inverse des
positions qu'ils avaient occupees: tous ceux qui avaient eu les
carrefours pour residence et les mansardes pour domicile poussaient
les hauts cris. Le menu du soldat leur paraissait insuffisant; les
objets de campement ne venaient pas de chez le bon faiseur.
Le spectacle que presentait le camp de Chalons aux clartes du matin ne
manquait ni de grandeur, ni de majeste. Aussi loin que la vue pouvait
s'etendre, les cones blancs des tentes se profilaient dans la plaine.
Leurs longues lignes disparaissaient dans les ondulations du terrain
pour reparaitre encore dans les profondeurs de l'horizon. Un
grouillement d'hommes animait cette ville mouvante dont un poete de
l'antiquite aurait dit qu'elle renfermait le printemps de la grande
ville: triste printemps qui avait toutes les lassitudes et la
secheresse de l'hiver avant d'avoir donne la moisson de l'ete! Mais,
si le camp avait cette grace imposante qui se degage des grandes
lignes, il presentait des inconvenients qui en diminuaient les charmes
pittoresques. Des vents terribles en parcouraient la vaste etendue et
nous aveuglaient de tourbillons de poussiere; a la chaleur accablante
du jour succedaient les froids penetrants des nuits. Une rosee
abondante et glaciale mouillait les tentes, et, si l'on ne respirait
pas au coucher du soleil, le matin on grelottait.
--Le gouvernement sait bien ce qu'il fait, disaient les mobiles; nous
sommes republicains, il nous tue en detail!
Le premier coup de canon tire, la vie militaire s'emparait du camp.
Les tambours battaient, les clairons sonnaient, et les officiers qui
avaient eu cette chance heureuse d'attraper des fusils pour leurs
ba
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