arrives, lentement, au pas. Tout en discutant les chances du
retour des quatre uhlans avec l'aubergiste qui m'avait accorde
l'hospitalite d'une chambre et d'un lit, j'appris que le 3e zouaves
etait parti depuis trois jours. Personne ne savait ou il etait alle.
Je voulais a la fois des renseignements et un fusil. La matinee
s'ecoula en recherches vaines. Point d'armes a me fournir, aucune
information non plus. Sur enfin que le chemin de fer ne marchait plus,
et bien decide a rejoindre mon regiment, j'obtins d'un loueur une
voiture avec laquelle il s'engageait a me faire conduire a Mezieres.
II
Nous n'avions pas fait un demi-kilometre sur la route de Mezieres, que
deja nous rencontrions des groupes de paysans marchant d'un air
effare. Quelques-uns tournaient la tete en pressant le pas. Leur
nombre augmentait a mesure que la voiture avancait. Bientot la route
se trouva presque encombree par les malheureux qui poussaient devant
eux leur betail, et fuyaient en escortant de longues files de
charrettes sur lesquelles ils avaient entasse des ustensiles, quelques
provisions et leurs meubles les plus precieux. Les femmes et les
enfants, assis sur la paille et le foin, pleuraient et se lamentaient.
Je pensai alors aux chants qui avaient salue la nouvelle de la
declaration de guerre, a l'enthousiasme nerveux de Paris, a cette
fievre des premiers jours. J'etais non plus a l'Opera, mais au milieu
de campagnes desolees que leurs habitants abandonnaient. La ruine et
l'incendie les balayaient comme un troupeau. L'un de ces fugitifs que
je questionnai au passage, me repondit que les Prussiens arrivaient en
grand nombre: ils avaient coupe la route entre Mezieres et Rethel, et
me conseilla de rebrousser chemin. Cela dit, il reprit sa course.
De sourdes et lointaines detonations pretaient une eloquence plus
serieuse au discours du paysan: c'etait la voix grave du canon qui
tonnait dans la direction de Vouziers. Je ne l'avais jamais entendue
qu'a Paris pendant les rejouissances des fetes officielles. Elle
empruntait au silence des campagnes et au spectacle de cette route ou
fuyait une foule en desordre, un accent formidable qui faisait passer
un frisson dans mes veines. Plus tard je devais me familiariser avec
ce bruit. Une ferme brulait aux environs, et l'on n'avait besoin que
de se dresser un peu pour apercevoir derriere les haies les coureurs
francais et prussiens qui echangeaient des coups de fusil.
A six heures du soir,
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