teries
prussiennes avec une rapidite et une precision qui attirerent bientot
leur attention de son cote. Une grele de projectiles mit hors de
service quelques artilleurs. Il etait clair que les ennemis
s'appliquaient a eteindre le feu de leur piece. Ils y reussirent
bientot sans merite aucun. Le pauvre canon se tut de lui-meme faute de
munitions. L'un des artilleurs qui restaient debout jeta son
ecouvillon avec rage; un autre se croisa les bras sur la poitrine,
quelques-uns se retirerent lentement poursuivis par les obus.
Pendant ce duel inegal, j'allais et venais devant mon pont-levis. Les
obus et les boulets, qui tout a l'heure arrivaient seuls, etaient
maintenant accompagnes d'une pluie de balles qui s'aplatissaient en
aureole contre les murailles, ou ricochaient sur le fer des garde-fous
avec un petillement qui agacait mes oreilles. Nous etions, mon
camarade et moi, en sentinelle sur le bord du fosse, comme des cibles
vivantes contre lesquelles des Bavarois qui venaient de s'emparer de
la gare exercaient leur adresse. Ils y mettaient une grande activite.
Jusqu'alors leur precipitation meme nous avait preserves; mais l'un
d'eux ne pouvait-il pas rectifier son tir et atteindre enfin le point
de mire offert a leurs coups? Nous n'echangions pas un mot, nos
regards parlaient pour nous. Deux ou trois jets de poussiere arraches
par des balles a la crete du fosse avaient deja vole sur mes
jambieres, lorsque le lieutenant, tout en laissant le pont-levis
abaisse, nous fit rentrer sous le rempart. Un soupir d'allegement, je
l'avoue, souleva ma poitrine.
Cela fait, il demanda trente hommes de bonne volonte pour occuper les
creneaux de l'avancee au dela du pont-levis. En ce moment, la route
par laquelle il fallait necessairement passer etait balayee par une
pluie d'obus et de balles qui en labouraient le sol et les abords.
Cinquante zouaves se presenterent, et les trente premiers s'elancerent
au pas de course. Retenu sous la voute par la consigne, je les
regardai partir. J'avais le coeur serre: il me semblait qu'aucun d'eux
ne pourrait traverser cet ouragan de fer et de plomb; mais deja leur
course furieuse les avait portes aux creneaux. Deux ou trois gisaient
par terre; un autre se debattait dans le fosse. A peine accroupis a
leur poste d'observation, ils rendaient balle pour balle. On tirait
aussi de dessus les remparts, ou des compagnies de mobiles etaient
alignees; malheureusement tous les coups, dans la precipitation du
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