re des remparts de
Sedan. Ce premier coup de canon marquait le commencement d'une journee
qui devait compter parmi les plus irreparables desastres. Bientot des
decharges violentes suivirent cette premiere detonation. Je regardais,
dans l'ombre qui s'eclairait, les rayons rouges de ces coups de feu
retentissants. Deja mon oreille etait faite a ce bruit terrible.
Appuye sur le coude, j'en ecoutais le grondement, qui ne cessait plus
et redoublait d'intensite en se rapprochant. La bataille faisait rage.
Cette fois j'y avais ma place marquee d'avance. Vers six heures, on
vint relever le detachement qui avait passe la nuit sur le rempart.
--C'est le moment de casser une croute, me dit le sergent,
depeche-toi; tout a l'heure il va faire chaud.
Je ne me le fis pas dire deux fois, et, prenant ma course du cote de
la ville, tout en cherchant une auberge, j'apercus dans le _Cafe de la
Comedie_, sur la place Stanislas, six officiers superieurs qui
jouaient au billard. Ils faisaient des carambolages, et semblaient
s'amuser beaucoup tandis que des boulets prussiens frappaient les
murailles voisines. J'avais avale je ne sais quoi, je ne sais ou, en
quatre minutes, et retournai, toujours courant, a la porte de Paris,
ou tout de suite je fus mis de garde avec un autre zouave en dehors du
pont-levis. Mon lieutenant,--je ne l'appelais plus monsieur,--nous
avait donne pour consigne d'empecher tout individu de passer le pont
et meme de se presenter de l'autre cote du fosse. Le bombardement de
la ville venait de commencer: les obus sifflaient et tombaient ca et
la avec ce bruit strident qu'on n'oublie jamais. C'etait la premiere
fois que je voyais le feu, je n'etais pas completement rassure. Mon
coeur battait a coups profonds, et malgre moi je serrai la batterie de
mon chassepot tout arme d'une main nerveuse. Ceux qui jurent qu'aucune
emotion ne les a effleures dans un tel moment me laissent des doutes
sur leur franchise. Peut-etre ont-ils plus d'orgueil que de sincerite;
peut-etre aussi ont-ils cet avantage d'etre petris d'un limon
particulier. Quant a moi, sans que la pensee de deserter mon poste me
vint un instant a l'esprit, j'etais en proie a des sensations
indefinissables et complexes ou l'inquietude et la curiosite avaient
une egale part.
Les obus broyaient la pierre des murailles ou fouettaient l'eau des
fosses. Les eclats volaient partout. Une piece de canon placee sur le
rempart, un peu a gauche de la porte, repondait aux bat
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