corps d'armee du general Vinoy.
Cette fois, instruit par l'experience, je ne pris conseil que de
moi-meme. Un zouave a tambour jaune, rencontre par hasard me raconta
qu'une poignee de ceux qui avaient fait la trouee de Sedan se trouvait
a la caserne de la rue de la Pepiniere avec quelques debris des 1er et
2e regiments et de petits detachements envoyes des trois depots. Je
m'y rendis. On m'y recut a bras ouverts, mais pour ne pas subir de
nouveaux retards une seconde fois, je me hatai de me faire habiller a
mes frais.
L'aspect de la grande ville etait change. Ce n'etait deja plus le
Paris que j'avais quitte. Il y avait un air d'effarement partout; les
menageres couraient aux provisions; on chantait encore _la
Marseillaise_, mais d'une voix moins haute; on savait a quel ennemi on
avait affaire. Cependant l'orgueil national, l'orgueil parisien,
pourrais-je dire, se tendait. On avait ete battu, c'est vrai, mais
sous les murs de la grande ville on pouvait, on devait vaincre. La
population tout entiere etait debout, elle avait des armes. La
bourgeoisie et le peuple semblaient ne faire qu'un. Les remparts et
les forts se herissaient de canons. Le tambour battait, le clairon
sonnait; on faisait l'exercice sur toutes les places. Et puis la
Republique n'avait-elle pas ete proclamee? C'etait la panacee;
quelques-uns meme, les enthousiastes, s'etonnaient que l'armee du
prince royal ne se fut pas dispersee aux quatre vents a cette
nouvelle. Ce miracle ne pouvait tarder. D'autres, il est vrai, mais
n'osant pas exprimer leur sentiment, estimaient que c'etait un
desastre, et que ce mot seul paralyserait la defense en province. Que
d'orages d'ailleurs dans ces quatre syllabes qui portaient la marque
de 93! mais cela etait en dessous et ne se faisait jour que dans les
conversations intimes. Le peuple, qui ne travaillait plus et jouait au
soldat, agitait ses fusils a tabatiere. Il y avait une grande
effervescence. Le gouvernement du 4 septembre n'avait qu'a commander;
il etait obei. On attendait avec anxiete, avec une impatience
fievreuse ou il y avait de la joie, le retentissement du premier coup
de canon. On l'entendit, et la population qui courait au Trocadero sut
enfin que le cercle de fer de l'armee prussienne se fermait autour de
Paris.
J'appartenais alors a la 1re compagnie du 3e bataillon du 4e zouaves.
Le capitaine R..., qui en avait le commandement, avait ete a Sedan,
comme on sait, et j'avais fait sa connaissance a l'ile
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