oue s'attachaient a mes bottes, car j'avais de grandes
bottes comme les officiers: on n'etait plus au temps ou l'on se
renfermait dans la stricte observation des ordonnances; mais cette
Fouilleuse tant cherchee et trouee par tant de projectiles ne devait
pas nous retenir. Un mouvement rapide nous fit pousser plus avant, et,
la laissant sur notre gauche, nous vinmes prendre position en face du
parc de Buzenval. Michel me serra la main; il avait l'air triste.
--Qui sait! me dit-il.
Le spectacle que j'avais sous les yeux etait grandiose. La clarte
commencait a se degager de l'ombre; les lignes du paysage s'accusaient
deja; derriere le mur crenele du parc, les cimes des futaies
faisaient des masses noires estompees sur le ciel gris; les facades
blanches des villas s'eclairaient. Je voyais a une petite distance une
compagnie de la ligne qui, vaguement voilee par un leger rideau de
brume et l'arme au pied, me rappelait le fameux tableau de Pils;
c'etait la meme attente, la meme attitude. Au loin, sur les flancs du
Mont-Valerien, des colonnes d'infanterie s'allongeaient et
descendaient dans la plaine; elles etaient epaisses et noires. On en
distinguait les lentes ondulations. Il me semblait impossible que de
telles masses energiquement lancees ne fissent pas une trouee jusqu'a
Versailles.
Une fusee partit du Mont-Valerien. A ce signal, les zouaves
s'elancerent en tirailleurs. A peine avaient-ils fait cinquante pas,
que le mur du parc s'eclaira de points rouges. Les Prussiens etaient a
leur poste. Des soldats tomberent dans les vignes. On n'avait pas
oublie l'affaire du parc de Villiers, l'une des plus meurtrieres de la
campagne. Allait-elle se renouveler devant le parc de Buzenval, d'ou
partait une grele de balles? Le regiment savait par une douloureuse
experience qu'une charge a la baionnette ne ferait qu'augmenter le
nombre des morts, et deja bien des pantalons rouges restaient
immobiles, couches dans les echalas. Disperses parmi les abris que
presentait le terrain, nous tirions contre les ouvertures d'ou
l'incessante fusillade nous decimait.
Des bataillons de gardes nationaux partirent pour tourner le parc. A
leur mine, a leur allure, au visage des hommes qui les composaient, on
comprenait que ces bataillons appartenaient aux quartiers
aristocratiques de Paris. Ils firent bravement leur devoir, comme
s'ils avaient voulu effacer le souvenir de ce qu'avaient fait ceux de
Belleville a l'autre extremite de nos lignes.
|