racontait vaguement que la garde nationale
serait de la fete. Il etait impossible qu'en pareille circonstance le
4e zouaves fut oublie. Des le lendemain, un billet d'invitation nous
arriva, et, a la tete de la division, le regiment tout entier rentra
par la barriere du Trone, traversa le faubourg et la rue
Saint-Antoine, la rue de Rivoli, les Champs-Elysees, et ne s'arreta
qu'a Courbevoie. Nous avions ce pressentiment que nous allions tirer
nos derniers coups de fusil, et que nous les tirerions inutilement.
Il etait quatre heures et demie,--c'etait le 17,--quand on forma les
faisceaux aupres du rond-point de Courbevoie. Ah! j'en connaissais
toutes les maisons! Pendant la nuit et la journee du lendemain, de
grandes colonnes d'infanterie et d'artillerie passerent aupres de
nous. Des bataillons de marche pris dans la garde nationale parurent
enfin. C'etait la premiere fois qu'on les menait au feu. Ils
marchaient en bon ordre et d'un pas ferme.
A minuit, mon capitaine recut ordre de se rendre chez le commandant du
bataillon; je l'accompagnai. Quand il sortit:
--C'est pour demain, me dit-il.
La compagnie fut avertie de se tenir prete a quatre heures du matin.
A quatre heures du matin, elle etait rangee en bataille. Il faisait
une nuit epaisse. On entendait partout dans la plaine que commandait
la batterie du Gibet, le bruissement sourd des regiments en marche.
Le 4e zouaves avait ete le premier a s'ebranler; il s'avancait
lentement dans les champs detrempes, ou le poids enorme de notre
equipement nous faisait enfoncer a chaque pas; parfois, mais pour
quelques minutes, on s'arretait, et les hommes, appuyant le sac sur le
canon de leur fusil, se reposaient.
Des lueurs pales commencaient a blanchir l'horizon; les squelettes des
arbres se dessinaient en noir dans cette clarte. La masse obscure du
Mont-Valerien s'arrondissait a notre gauche comme une bosse
gigantesque. Le pepiement des moineaux sortait des haies, des corbeaux
voletaient lourdement ca et la, et s'abattaient dans les champs,
remplis encore de ce silence qui donne a la nuit sa majeste.
Qui le croirait? dans cette ombre incertaine, nous cherchions La
Fouilleuse, que les troupes francaises occupaient depuis un mois, et
aucun officier d'etat-major ne savait ou cette fameuse ferme pouvait
se trouver. Des marches melees de contre-marches nous la firent enfin
decouvrir.
Il faisait encore sombre. Des brouillards rampaient dans la plaine,
des paquets de b
|