hassepot, une couverture qui s'arrondissait
sur une boule. Un grognement en sortit. J'avais eu le mouvement un peu
brusque: la boule remua, et j'apercus sur son seant un grand grenadier
saxon qui se frottait les yeux; il etait ivre-mort, et riait a
desarticuler sa machoire.
--C'est un farceur! cria un zouave de Paris qui ne croyait a rien, pas
meme a l'ivrognerie. Il le piqua legerement de sa baionnette.
--_Ya! ya!_ murmura le Saxon, et, roulant sur le cote, il s'endormit
derechef.
Cependant quelques balles tirees des cretes, dont nous n'etions plus
separes que par quelques centaines de metres, cassaient les tuiles et
frappaient les murs. Il fallut quitter les maisons et se deployer de
nouveau en tirailleurs. Tout en cheminant, nous debusquions quelques
vedettes prussiennes qui se repliaient sur les hauteurs en faisant
feu. Nous ripostions, et chaque fois que ces vedettes s'en allaient,
il tombait quelques-uns des leurs. Les forts tiraient pour appuyer
notre mouvement, et les obus qui passaient en sifflant eclataient dans
le parc de Villiers. C'etait superbe.
Une partie de l'action, vigoureusement engagee, se passait sous nos
yeux. C'etait plus vif qu'a la Malmaison. Toute ma compagnie etait
deployee dans les vignes; les compagnies de soutien nous rejoignirent,
et la marche en avant se dessina. Il m'etait difficile de tirer a coup
sur; je tirai au juge et en m'efforcant de calculer mes distances. Les
Prussiens tenaient ferme et renvoyaient balle pour balle. Elles
faisaient sauter les echalas, et souvent rencontraient des jambes et
des bras. Quelques zouaves atteints descendaient la cote en trainant
le pied; d'autres se couchaient dans les sillons. Des camarades
allaient quelquefois les chercher pour les mener aux ambulances, mais
pas toujours. Ca me fendait le coeur d'en voir qui remuaient sous les
ceps avec un reste de vie, et qu'un pansement aurait pu sauver; mais
j'avais du feu dans le sang, et ne songeais qu'a pousser mes
cartouches dans le canon de mon fusil. De l'artillerie qui avait passe
le pont apres nous envoyait des volees d'obus sur Villiers. C'etait un
beau tapage; on devient fou dans ces moments-la.
Nous etions lentement revenus sur la route; des canons s'y etaient mis
en batterie; la nuit commencait a tomber. La batterie tirait par
volees. On voyait sortir de la gueule des canons de longues gerbes de
feu rouge. Ils etaient places derriere nous, a 30 metres a peine de
nos epaules. Les eclairs la
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