nchaient la terre; une roue de caisson aupres d'un kepi;
un pan de mur crenele, noirci par les feux du bivouac, s'appuyait a
une maison crevassee. Sur la route, nous nous croisions avec les
brancardiers qui revenaient des champs voisins. Ces pauvres freres de
la doctrine chretienne donnaient l'exemple du devoir rempli
modestement et sans relache. Ils l'avaient fait des le commencement du
siege, ils le firent jusqu'a la fin. Ils passaient lentement dans
leurs robes noires, portant les morts et les blesses. Leur vue nous
rendait graves; nous nous rangions pour leur laisser le bon cote du
chemin.
La route etait dure et seche et s'allongeait devant nous. Nous la
foulions d'un pas rapide, lorsqu'un general parut, suivi d'un nombreux
etat-major. C'etait le general Trochu. En nous voyant, il s'arreta,
et, nous saluant d'une voix ou percait un accent de satisfaction:--Ah!
voila les zouaves, dit-il; mais le regiment etait si presse d'en venir
aux mains que personne ne cria. Il y eut dans les rangs comme un
froissement d'armes, et notre marche, deja rapide, prit une allure
plus leste.
Presque aussitot, et le general en chef toujours en selle, immobile
sur le bas cote de la route, un brancard passa portant un soldat
blesse. C'etait un garcon qui paraissait avoir une vingtaine d'annees,
un blond presque sans barbe. Il se souleva sur le coude, et la main
sur le canon de son fusil:
--_En avant!_ cria-t-il, _en avant!_
L'effort l'avait epuise, il retomba.
Les brancards suivaient les brancards. On ne les comptait plus,
c'etait une file. Il y avait des blesses qui ne remuaient pas,
d'autres ouvraient les yeux tout grands pour nous regarder,
quelques-uns gemissaient. D'autres brancards venaient portant des
formes roides sur lesquelles on avait etendu des capotes. Nous etions
serieux. De petits nuages blancs faisaient la boule sur les hauteurs
voisines. Un grondement continu remplissait l'espace, il s'y
produisait par intervalles des dechirements.
A un kilometre a peu pres au-dessus de Petit-Bry, on nous arreta. Il
fallut, sur l'ordre des officiers, se coucher a plat ventre et
attendre. Nous etions en quelque sorte sur la lisiere de la bataille,
mais a portee des balles. Il en sifflait par douzaines autour de nous
qui nous etaient envoyees par des ennemis invisibles. Quelques-unes
ecorchaient nos sacs en passant; il ne fallait pas trop souvent lever
la tete. Quand on distinguait derriere l'abri d'une haie de petits
flocons
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