effectif par une compagnie de turcos, dont la plupart etaient nes en
France et plus specialement a Paris. Cependant, parmi ces recrues, on
comptait a peu pres une cinquantaine de veritables Africains, Arabes
ou Kabyles, rompus au metier des armes, et qui avaient vu les
batailles de l'Est. Desormais il n'y eut plus dans la ville assiegee
d'autres zouaves que ceux du 4e regiment.
XII
Dans les derniers jours du mois de novembre un fremissement parcourut
nos bataillons. Des bruits circulaient qui nous faisaient croire qu'on
allait se battre. D'ou venaient-ils? On n'avait aucun renseignement
officiel, et on sentait qu'ils ne mentaient pas. Ceux qui comptaient
le plus sur la bataille faisaient semblant de n'y pas croire.
--Ce sont des mots en l'air pour nous amuser! disaient les uns.
--On a deja perdu trop de temps pour n'en pas perdre encore,
reprenaient les autres.
Mais tous ceux qui grondaient et ceux qui raillaient, astiquaient
leurs armes et passaient la revue de leurs chaussures, cette grande
preoccupation du fantassin. On ne s'ennuyait plus; on allait voir les
Prussiens. Ce ne serait pas comme dans la plaine de Gennevilliers, ou
pas un ne se montrait jamais.
Enfin, au plus fort de cette agitation et de cette impatience, le 28
novembre on recut l'ordre de partir. Le matin, au point du jour, on
forma le cercle, et la fameuse proclamation du general Ducrot fut lue
aux compagnies. Quel silence partout! Arrive au passage celebre: "Je
ne rentrerai a Paris que mort ou victorieux!" un etranglement subit
coupa la voix de mon capitaine. Il porta la main a ses yeux, qui ne
voyaient plus. J'etais aupres de lui.
--Fourrier, me dit-il en me passant la proclamation, lisez pour moi.
J'achevai cette lecture d'une voix nerveuse que l'emotion faisait
trembler un peu. Il y eut un frisson dans les rangs. J'avais chaud
dans la poitrine.
Le general Ducrot n'est pas mort et n'a pas ete victorieux; mais
faut-il lui faire un crime de quelques paroles inutiles ecrites avec
trop de precipitation? C'etait un peu la mode alors, une sorte de
manie qui s'etait emparee des generaux aussi bien que des orateurs de
carrefour et des gardes nationaux. Tous parlaient et prenaient a la
hate ces engagements superbes que les evenements ne permettent pas
toujours de tenir. Souvent la mort ne repond pas a ceux qui
l'appellent. Dix fois le general Ducrot a charge bravement a la tete
de ses troupes, et dix fois les balles et les obus on
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