lle morte.
On ne peut pas percer des murs continuellement, meme quand c'est
inutile; la besogne de creneler la partie du village que nous
occupions avait ete faite en un jour. Nous ne savions rien de ce qui
se passait a Paris. Les journees s'ecoulaient lentement, pesamment;
nous n'avions pour distraction que les grand'gardes qu'on nous
envoyait monter sur les bords de la Seine. On avait l'emotion de la
surveillance. On nous employait aussi aux travaux de la redoute de
Charlebourg; mais les zouaves qui manient le mieux le fusil manient
tres-mal la pelle et la pioche. On faisait grand bruit autour des
brouettes, et la besogne n'avancait pas. Une chanson, un recit, une
calembredaine faisaient abandonner les outils, et, quand on les avait
abandonnes, on ne les reprenait plus. Apres quelques jours d'essai, on
nous remplaca par des soldats de la ligne et des mobiles. L'ennui
devenait endemique et quotidien. Un exercice de deux heures en coupait
la longue monotonie.
Un jour vint cependant, le 16 octobre, ou le bataillon crut qu'on
allait avoir quelque chose a faire; quelque chose a faire, en langage
de zouave, signifiait qu'on avait l'esperance d'un combat. On prit les
armes avec un fremissement de joie, et l'on nous dirigea vers le
rond-point de Courbevoie, ou des batteries de campagne nous avaient
precedes. La on mit l'arme au pied, et on attendit. Aucun bruit ne
venait de la plaine. Si on ne nous attaquait pas, c'est que nous
allions attaquer. On attendit encore; un contre-ordre arriva, et on
nous ramena la tete basse dans nos cantonnements.
Le lendemain, l'ennui reprit de plus belle. Il y avait deja plus d'un
mois que l'investissement avait commence, et je n'avais pas encore
tire un coup de fusil. On vidait les gamelles deux fois par jour, on
jouait au bouchon, on se promenait les mains dans les poches, on
pechait a la ligne, on bourrait sa pipe, on la fumait, on la bourrait
de nouveau, on regardait les petits nuages blancs qui s'elevaient
au-dessus du Mont-Valerien apres chaque coup de canon, on
s'interessait au vol des obus, on cherchait une place ou dormir au
soleil dans l'herbe.
XI
Cependant le 21 octobre on nous fit prendre les armes de grand matin.
Le bataillon s'ebranla; il avait le pas leger. Pour ma part, je
n'etais point fache de voir ce que c'etait qu'une affaire en ligne.
Tout m'interessait dans cette marche au clair soleil d'automne. Le
remblai du chemin de fer franchi, on nous fit faire ha
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