garde y repondait d'une voix joyeuse en faisant
claquer son fouet.
--Ce n'est pas plus difficile que ca, me dit-il enfin en arretant son
cheval au village de Marbrehau, ou il y avait une station de chemin de
fer.
La maison devant laquelle la voiture qui nous portait fit son dernier
tour de roue, appartenait a une famille de gros cultivateurs. Ces
braves gens m'accueillirent de leur mieux et insisterent avec bonhomie
pour me faire asseoir a leur table. En un tour de main le couvert fut
dresse. Ils ne se lassaient pas de me questionner et il fallut leur
raconter mon histoire de point en point. Leur curiosite ne se
fatiguait pas et la franchise de leur hospitalite m'engageait a tout
dire; volontiers ils m'auraient retenu jusqu'au lendemain, mais un
coup de cloche m'avertit que le train allait partir. Toute la famille
me fit des adieux qui me toucherent et voulut m'accompagner jusqu'a la
gare comme si j'avais ete l'un des leurs. C'etait a qui me donnerait
la plus vigoureuse poignee de main.
Au moment ou j'arrivai sur le quai de gare, un visage m'apparut qui me
fit tressaillir. Je venais de retrouver a la station de Marbrehau l'un
de mes compagnons de tente, un zouave du 3e. Il portait un chapeau de
feutre mou, une veste de grosse bure, un pantalon de drap effiloque.
--Tu t'es donc sauve?
--Je crois bien! Et toi aussi.
--Pardine! Et comment as-tu fait?
--Je n'en sais rien.
--C'est comme moi! Et tu vas a Paris?
--Tout droit.
Un wagon de troisieme classe nous prit tous deux. Il etait plein, nous
n'echangeames plus un mot.
Le train s'arretait a Namur; chemin faisant, a l'une des stations
intermediaires, et pendant les quelques minutes que l'on donne aux
voyageurs, j'eus l'occasion inattendue de rencontrer un convoi
prussien rempli de blesses. Quelle installation! Tout y etait agence
pour le confort et le bien-etre de ces malheureux! Point de paille
dans d'horribles wagons a bestiaux, mais des hamacs suspendus auquels
la marche n'imprime aucune secousse. Le train emportait avec lui les
fourneaux pour les bouillons, les tisanes, l'eau chaude, sa pharmacie,
sa lingerie, son personnel d'infirmiers et de medecins. Et je pensais
a mon pauvre pays qui avait donne tant de preuves d'imprevoyance et
qui devait en donner tant d'autres encore!
Apres un adieu muet echange entre mon camarade et moi, chacun de nous
tira de son cote; c'etait le moyen d'eveiller le moins possible
l'attention.
Le quai de Namur et
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