s quitta les wagons, et vint camper sur une promenade au-dessus
de la station. L'influence de la pipe, dont le tuyau d'ambre sortait
de ma poche, me permit l'entree d'une tente ou l'hospitalite la plus
cordiale m'accueillit sur un pan de gazon. Mon tartan, que je n'avais
pas quitte depuis mon depart de Paris, me servit de matelas et de
couverture, et je m'endormis entre mes camarades. Lorsque par hasard
j'entrouvrais les yeux, et qu'a la lueur pale de quelques tisons
brulant ca et la j'apercevais ce pele-mele de jambes enfouies dans
d'immenses culottes, et de tetes cachees a demi sous le fez rouge, des
rires silencieux me prenaient. Je fus reveille par la rosee qui
transpercait mes vetements et me glacait. Les zouaves, qui, dans des
attitudes diverses, ronflaient sous la tente, secouerent leurs
oreilles comme des chiens qui viennent de recevoir une ondee, et,
sifflant des airs bizarres meles de couplets saugrenus, se mirent en
devoir de plier les tentes et de faire les sacs pour etre prets a
partir au premier signal. Je m'employai avec eux tant bien que mal.
Allant et venant, je fis la decouverte d'un superbe capuchon de drap
tout neuf qui gisait sur l'herbe et semblait orphelin. Je soulevai le
capuchon, l'examinai, et ne put lui refuser les louanges qu'il
meritait au double point de vue de la solidite et de la conservation.
--A qui le capuchon? m'ecriai-je en le tenant suspendu au bout de mon
bras.
--A toi, parbleu! s'ecria un vieux zouave chevronne jusqu'a l'epaule.
Je le regardai un peu surpris.
--Tu ne comprends donc pas? reprit-il; c'est pourtant bien clair. Tu
as droit a un capuchon et tu n'en as pas, ce qui est la faute du
gouvernement; cependant en voici un qui se balance entre tes doigts.
Quelqu'un le reclame-t-il? non; ma conclusion est qu'il t'appartient.
Et toujours parlant il m'en coiffa. Un coup de clairon retentit.
--C'est l'assemblee qui sonne, ajouta-t-il, en route a present, le
lieutenant n'aime pas qu'on le fasse attendre.
A sept heures et demie, un train prit le detachement, et la locomotive
courut sur la voie qui aboutissait a Sedan. Ici le verbe courir doit
se prendre dans le sens le plus modeste. Le convoi marchait, parfois
meme il se trainait. D'une main, le mecanicien, debout sur sa machine,
serrait le frein; du regard, il sondait l'horizon. On ne savait pas au
juste ou etaient les Prussiens, et a toute minute on craignait de
trouver la voie coupee. Tout a cote des rails, en contre
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