la
porte de Paris, par laquelle il etait entre. Une rumeur effroyable
remplissait la ville. Des aides de camp circulaient, des estafettes
passaient portant des depeches, des groupes se formaient au coin des
rues; un homme vint criant qu'on avait remporte une grande victoire.
Quelques incredules hocherent la tete. Une canonnade furieuse ne
cessait pas de retentir dans la direction nord-est de Sedan. On avait
le sentiment qu'une partie formidable se jouait de ce cote-la. Toutes
les oreilles etaient tendues, tous les coeurs oppresses. Brusquement
un sergent me tira de mon repos, et, faisant l'appel des hommes qui
n'etaient pas armes, me conduisit avec quelques-uns de mes camarades
a la citadelle, ou enfin on nous distribua des fusils. Le commandant
de place, qui assistait a cette distribution, fit aux zouaves une
courte allocution pour les engager a s'en bravement servir, et au pas
gymnastique le sergent nous ramena a la porte de Paris, ou l'on se
disposait a recevoir une attaque. Des bourgeois effares allaient et
venaient. Il y avait de grands silences interrompus par de sourdes
detonations. Un cortege passa portant un uhlan a moitie mort couche
sur deux fusils. De ces etres abrutis et vils comme il s'en trouve
dans toutes les foules, se ruerent autour de la civiere en criant et
vociferant. Le visage pale du blesse ne remua pas; peut-etre
n'entendait-il plus ces insultes. Sur sa poitrine ensanglantee, et que
laissait voir sa chemise entr'ouverte, pendait une plaque de cuir dont
la vue m'intrigua beaucoup. Etait-ce, comme quelques-uns le
supposaient, une espece de cuirasse destinee a proteger les soldats
du roi Guillaume contre les balles des fusils francais? Etait-ce plus
simplement une sorte d'etiquette solide sur laquelle etaient inscrits
le numero matricule du combattant, avec ceux du regiment, du bataillon
et de la compagnie, et qui devait le faire reconnaitre en cas de mort?
III
Le bruit du canon qui grondait toujours ne me permit pas d'approfondir
plus longtemps cette question. Un sergent disposait nos hommes le long
du mur d'enceinte, de cinq metres en cinq metres, en nous recommandant
de ne pas tirer sans voir et sans bien viser. Il etait a peu pres six
heures du soir quand je pris possession du poste qui m'avait ete
assigne. On nous avait prevenus que nous serions releves a minuit:
c'etait une faction de six heures pour mes debuts; mais j'avais un bon
chassepot a la main, tout battant neuf, et je n'a
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