la voiture atteignit les portes de Mezieres. Mon
premier soin fut de me rendre a la place ou je voulais, comme a
Rethel, obtenir tout a la fois un fusil et des renseignements sur le
3e zouaves; mais le desordre et le trouble que j'avais deja remarques
a Rethel n'etaient pas moindres a Mezieres. Un employe pres duquel je
parvins a me glisser apres de longs efforts, me jura, sur ses
dossiers, que personne dans l'administration ne savait ou pouvait
camper dans ce moment le regiment que je cherchais. Il n'y avait plus
qu'a trancher la question du fusil. Mon insistance parut etonner
beaucoup l'honnete bureaucrate. Prenant alors un air doux:
--Je comprends votre empressement a servir votre pays, reprit-il,
c'est pourquoi je vous engage a partir pour Lille.
--Pour Lille! pour Lille en Flandres?
--Oui, monsieur, Lille, departement du Nord, ou l'on forme un regiment
qui sera compose d'elements divers tres-bien choisis. Vous y serez
admis d'emblee, et la certainement vous trouverez enfin ce fusil qu'on
n'a pu vous procurer ni a Rethel, ni a Mezieres. D'ailleurs il y a des
ordres.
L'entretien etait fini; la voix de l'autorite venait de se faire
entendre. Pour un volontaire qui avait reve de se trouver en face des
Prussiens quelques heures apres son depart de Paris, elle n'etait ni
douce, ni consolante. Au lieu de la bataille, le depot! L'oreille
basse, je poussai devant moi tristement a travers les rues. Des
militaires portant tous les uniformes les encombraient, allant et
venant, sortant du cabaret pour entrer chez les marchands de vin. Il y
avait comme du desenchantement dans l'air.
A la nuit tombante, un passant m'indiqua la rue que designait mon
billet de logement, et je ne tardai pas a frapper a la modeste porte
de la maison ou je devais passer la nuit. Une servante, sa chandelle a
la main, me conduisit dans une espece de galetas dont un vieux lit mal
equilibre occupait tout le plancher. Ce n'etait pas l'heure de faire
des reflexions. La fatigue, du reste, avait la parole, et non plus la
delicatesse. Cinq minutes apres je dormais tout habille.
Vers deux heures du matin cependant, une tempete de fanfares eclata.
Je sautai sur mes pieds et courus vers le palier. Une servante qui
regardait par une lucarne se retourna.--C'est le prince imperial qu'on
eveille, me dit-elle. Les trompettes sonnaient partout le boute-selle
pour un depart qui ne devait point avoir de retour. Des cavaliers
passaient au galop dans la rue;
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