est une chose aisee; mais, pour l'atteindre,
il faut avoir la patience d'un voyageur qui poursuit une tribu dans
les interminables prairies du _Far-West_. C'etait au moment ou le
marechal de Mac-Mahon, plein d'une incommensurable tristesse,
rassemblait l'armee qui devait disparaitre a Sedan apres avoir
combattu a Beaumont. Partout des soldats et des tentes partout: un
desert peuple de bataillons. Deja se formait ce groupe enorme d'isoles
qui allait toujours grossissant. Les defaites des jours precedents
elargissaient cette plaie des armees en campagne. Ils formaient un
camp dans le camp.
Des tentes d'un regiment de ligne, je passais aux tentes d'un
bataillon de chasseurs de Vincennes; je tombais d'un escadron de
cuirassiers dans un escadron de hussards; je me perdais entre des
batteries dont les canons luisaient au soleil. Si je demandais un
renseignement, je n'obtenais que des reponses vagues. Enfin, apres
trois ou quatre heures de marche dans cette solitude animee par le
bruit des clairons, j'arrivai au campement du 3e zouaves. Quelques
centaines d'hommes y etaient reunis portant la veste au tambour jaune.
Quand il avait quitte l'Afrique, le regiment comptait pres de trois
mille hommes. Le colonel Bocher etait la, assis sur un pliant, entoure
de trois ou quatre officiers a qui des bottes de paille servaient de
sieges. Je me nommai, et presentai ma requete.
--Savez-vous bien ce que vous me demandez? dit-il alors; c'est une
longue suite de miseres, de fatigues, de souffrances. Tous les soldats
les connaissent: mais au 3e zouaves ce sont les compagnons de tous
les jours. Mon regiment a une reputation dont il est fier, mais qui
lui vaut le dangereux honneur d'etre toujours le premier au feu. Si
vous cedez a une ardeur juvenile, prenez le temps de reflechir.
Ma resolution etait bien arretee, le colonel ceda. Il me remit une
carte avec quelques mots ecrits a la hate, par lesquels il
m'autorisait a faire partie des compagnies actives sans passer par les
lenteurs et les ennuis du depot, et me congedia. Peu de jours apres,
j'etais a Paris, ou je n'avais plus qu'a m'enroler et a m'equiper.
C'etait plus difficile que je ne pensais. Rien n'avait ete change pour
rendre plus rapides et plus faciles les engagements. Aucun tailleur de
Paris n'a jamais employe ses ciseaux et ses aiguilles a couper et a
coudre des vetements de zouave. Quant au tailleur officiel du
regiment, il habitait Mostaganem; enfin, toutes les difficultes
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