a pente de ces passions dont le coeur se
rejouit, vers lesquelles la jeunesse nous pousse, nul ne peut dire
ou il s'arretera pas meme celui qui, d'avance, a calcule toutes
les chances de succes ou de chute.
Quant a Madame, on expliquera facilement son penchant pour le roi:
elle etait jeune, coquette, et passionnee pour inspirer de
l'admiration.
C'etait une de ces natures a elans impetueux qui, sur un theatre,
franchiraient les brasiers ardents pour arracher un cri
d'applaudissement aux spectateurs.
Il n'etait donc pas surprenant que, progression gardee, apres
avoir ete adoree de Buckingham, de Guiche, qui etait superieur a
Buckingham, ne fut-ce que par ce grand merite si bien apprecie des
femmes, la nouveaute, il n'etait donc pas etonnant, disons-nous,
que la princesse elevat son ambition jusqu'a etre admiree par le
roi, qui etait non seulement le premier du royaume, mais un des
plus beaux et des plus spirituels.
Quant a la soudaine passion de Louis pour sa belle-soeur, la
physiologie en donnerait l'explication par des banalites, et la
nature par quelques-unes de ses affinites mysterieuses. Madame
avait les plus beaux yeux noirs, Louis les plus beaux yeux bleus
du monde. Madame etait rieuse et expansive, Louis melancolique et
discret. Appeles a se rencontrer pour la premiere fois sur le
terrain d'un interet et d'une curiosite communs, ces deux natures
opposees s'etaient enflammees par le contact de leurs asperites
reciproques. Louis, de retour chez lui, s'apercut que Madame etait
la femme la plus seduisante de la cour. Madame, demeuree seule,
songea, toute joyeuse, qu'elle avait produit sur le roi une vive
impression.
Mais ce sentiment chez elle devait etre passif, tandis que chez le
roi il ne pouvait manquer d'agir avec toute la vehemence naturelle
a l'esprit inflammable d'un jeune homme, et d'un jeune homme qui
n'a qu'a vouloir pour voir ses volontes executees.
Le roi annonca d'abord a Monsieur que tout etait pacifie: que
Madame avait pour lui le plus grand respect, la plus sincere
affection; mais que c'etait un caractere altier, ombrageux meme,
et dont il fallait soigneusement menager les susceptibilites.
Monsieur repliqua, sur le ton aigre-doux qu'il prenait d'ordinaire
avec son frere, qu'il ne s'expliquait pas bien les susceptibilites
d'une femme dont la conduite pouvait, a son avis, donner prise a
quelque censure, et que si quelqu'un avait droit d'etre blesse,
c'etait a lui, Monsieur, que ce droit
|