mposait de douze mille cavaliers a peu
pres, servis par vingt-quatre mille ilotes. Ils etaient les veritables
maitres et tyrans du pays. Ils vivaient ou du produit des terres
appartenant aux beys, ou du revenu des impots etablis sous toutes les
formes. Les Cophtes, que nous avons deja dits livres aux plus ignobles
fonctions, etaient leurs percepteurs, leurs espions, leurs agens
d'affaires; car les abrutis se mettent toujours au service du plus fort.
Les vingt-quatre beys, egaux de droit, ne l'etaient pas de fait. Ils se
faisaient la guerre, et le plus fort, soumettant les autres, avait
une souverainete viagere. Il etait tout a fait independant du pacha
representant le sultan de Constantinople, le souffrait tout au plus au
Caire dans une sorte de nullite, et souvent lui refusait le _miri_,
c'est-a-dire l'impot foncier, qui, representant le droit de la conquete,
appartenait a la Porte.
L'Egypte etait donc une veritable feodalite, comme celle de l'Europe
dans le moyen age; elle presentait a la fois un peuple conquis, une
milice conquerante, en revolte contre son souverain; enfin une ancienne
classe abrutie, au service et aux gages du plus fort.
Deux beys superieurs aux autres dominaient en ce moment l'Egypte. L'un,
Ibrahim-Bey, riche, astucieux, puissant; l'autre, Mourad-Bey, intrepide,
vaillant et plein d'ardeur. Ils etaient convenus d'une espece de partage
d'autorite, par lequel Ibrahim-Bey avait les attributions civiles,
et Mourad-Bey les attributions militaires. Celui-ci etait charge des
combats; il y excellait, et il avait l'affection des Mameluks, tous
devoues a sa personne.
Bonaparte, qui au genie de capitaine savait unir le tact et l'adresse du
fondateur, et qui avait d'ailleurs administre assez de pays conquis pour
s'en etre fait un art particulier, jugea sur-le-champ la politique qu'il
avait a suivre en Egypte. Il fallait d'abord arracher cette contree a
ses veritables maitres, c'est-a-dire aux Mameluks. C'etait cette classe
qu'il fallait combattre et detruire par les armes et la politique.
D'ailleurs on avait des raisons a faire valoir contre eux, car ils
n'avaient cesse de maltraiter les Francais. Quant a la Porte, il fallait
paraitre ne pas attaquer sa souverainete, et affecter au contraire de
la respecter. Telle qu'elle etait devenue, cette souverainete etait peu
importante. On pouvait traiter avec la Porte, soit pour la cession de
l'Egypte, en lui faisant certains avantages ailleurs, soit pour un
parta
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