Ces suggestions ne pouvaient manquer d'etre bien accueillies aupres de
toutes les cours; mais toutes n'etaient pas en mesure d'y ceder. Les
plus voisines de la France etaient les plus irritees et les plus
disposees a refouler la revolution; mais par cela seul qu'elles etaient
plus rapprochees du colosse republicain, elles etaient condamnees aussi
a plus de reserve et de prudence, avant d'entrer en lutte avec lui.
La Russie, la plus eloignee de la France, la moins exposee a ses
vengeances, soit par son eloignement, soit par l'etat moral de ses
peuples, etait la plus facile a decider. Catherine, dont la politique
habile avait tendu toujours a compliquer la situation de l'Occident,
soit pour avoir le pretexte d'y intervenir, soit pour avoir le temps de
faire en Pologne ce qu'elle voulait, Catherine n'avait pas emporte sa
politique avec elle. Cette politique est innee dans le cabinet russe;
elle vient de sa position meme: elle peut changer de procedes ou de
moyens, suivant que le souverain est astucieux ou violent; mais elle
tend toujours au meme but, par un penchant irresistible. L'habile
Catherine s'etait contentee de donner des esperances et des secours
aux emigres; elle avait preche la croisade sans envoyer un soldat. Son
successeur allait suivre le meme but, mais avec son caractere. Ce prince
violent et presque insense, mais du reste assez genereux, avait d'abord
paru s'ecarter de la politique de Catherine, et refuse d'executer le
traite d'alliance conclu avec l'Angleterre et l'Autriche; mais apres
cette deviation d'un moment, il etait bientot revenu a la politique
de son cabinet. On le vit donner asile au pretendant, et prendre les
emigres a sa solde, apres le traite de Campo-Formio. On lui persuada
qu'il devait se faire le chef de la noblesse europeenne menacee par
les demagogues. La demarche de l'ordre de Malte, qui le prit pour son
protecteur, contribua a exalter sa tete, et il embrassa l'idee qu'on lui
proposait, avec la mobilite et l'ardeur des princes russes. Il offrit sa
protection a l'Empire, et voulut se porter garant de son integrite. La
prise de Malte le remplit de colere, et il offrit la cooperation de
ses armees contre la France. L'Angleterre triomphait donc a
Saint-Petersbourg comme a Constantinople, et elle allait faire marcher
d'accord des ennemis jusque-la irreconciliables.
Le meme zele ne regnait pas partout. La Prusse se trouvait trop bien de
sa neutralite et de l'epuisement de l'Autriche pour v
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