et donna a l'Angleterre une preponderance
decidee. La Porte declara solennellement la guerre a la France[1], et,
pour une province perdue depuis long-temps, se brouilla avec son amie
naturelle, et se lia avec ses ennemis les plus redoutables, la Russie
et l'Angleterre. Le sultan ordonna la reunion d'une armee, pour aller
reconquerir l'Egypte. Cette circonstance rendait singulierement
difficile la position des Francais. Separes de la France, et prives
de tout secours par les flottes victorieuses des Anglais, ils etaient
exposes en outre a voir fondre sur eux toutes les bordes de l'Orient.
Ils n'etaient que trente mille environ pour lutter contre tant de
perils.
[Note 1: 18 fructidor an VI (4 septembre).]
Nelson victorieux vint a Naples radouber son escadre abimee, et recevoir
les honneurs du triomphe. Malgre les traites qui liaient la cour de
Naples a la France, et qui lui interdisaient de fournir aucun secours a
nos ennemis, tous les ports et les chantiers de la Sicile furent ouverts
a Nelson. Lui-meme fut accueilli avec des honneurs extraordinaires. Le
roi et la reine vinrent le recevoir a l'entree du port, et l'appelerent
le heros liberateur de la Mediterranee. On se mit a dire que le triomphe
de Nelson devait etre le signal du reveil general, que les puissances
devaient profiter du moment ou la plus redoutable armee de la France,
et son plus grand capitaine, etaient enfermes en Egypte, pour marcher
contre elle, et refouler dans son sein ses soldats et ses principes. Les
suggestions furent extremement actives aupres de toutes les cours. On
ecrivit en Toscane et en Piemont, pour reveiller leur haine jusqu'ici
deguisee. C'etait le moment, disait-on, de seconder la cour de Naples,
de se liguer contre l'ennemi commun, de se soulever tous a la fois sur
les derrieres des Francais, et de les egorger d'un bout a l'autre de la
Peninsule. On dit a l'Autriche qu'elle devait profiter du moment ou les
puissances italiennes prendraient les Francais par derriere, pour les
attaquer par devant, et leur enlever l'Italie. La chose devait etre
facile, car Bonaparte et sa terrible armee n'etaient plus sur l'Adige.
On s'adressa a l'Empire depouille d'une partie de ses etats, et reduit
a ceder la rive gauche du Rhin; on chercha a tirer la Prusse de sa
neutralite; enfin on employa aupres de Paul Ier les moyens qui pouvaient
agir sur son esprit malade, et le decider a fournir les secours si
long-temps et si vainement promis par Catherine.
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