la lettre de Bonaparte,
s'etait laisse entrainer dans le parti de ses oppresseurs. Mourad-Bey
avait fait des preparatifs de defense sur les bords du Nil. La grande
capitale du Caire se trouve sur la rive droite du fleuve. C'etait sur la
rive opposee, c'est-a-dire sur la gauche, que Mourad-Bey avait place
son camp, dans une longue plaine qui s'etendait entre le Nil et les
pyramides de Giseh, les plus hautes de l'Egypte. Voici quelles etaient
ses dispositions. Un gros village, appele Embaheh, etait adosse au
fleuve. Mourad-Bey y avait ordonne quelques travaux, concus et executes
avec l'ignorance turque. C'etait un simple boyau qui environnait
l'enceinte du village, et des batteries immobiles, dont les pieces
n'etant pas sur affut de campagne ne pouvaient etre deplacees. Tel etait
le camp retranche de Mourad. Il y avait place ses vingt-quatre mille
fellahs et janissaires, pour s'y battre avec l'opiniatrete accoutumee
des Turcs derriere les murailles. Ce village, retranche et appuye
au fleuve, formait sa droite. Ses Mameluks, au nombre de dix mille
cavaliers, s'etendaient dans la plaine entre le fleuve et les pyramides.
Quelques mille cavaliers arabes, qui n'etaient les auxiliaires des
Mameluks que pour piller et massacrer dans le cas d'une victoire,
remplissaient l'espace entre les pyramides et les Mameluks. Le collegue
de Mourad-Bey, Ibrahim, moins belliqueux et moins brave que lui, se
tenait de l'autre cote du Nil, avec un millier de Mameluks, avec ses
femmes, ses esclaves et ses richesses, pret a sortir du Caire, et a
se refugier en Syrie, si les Francais etaient victorieux. Un nombre
considerable de djermes couvraient le Nil, et portaient toutes les
richesses des Mameluks. Tel etait l'ordre dans lequel les deux beys
attendaient Bonaparte.
Le 3 thermidor (21 juillet), l'armee francaise se mit en marche avant
le jour. Elle savait qu'elle allait apercevoir le Caire et rencontrer
l'ennemi. A la pointe du jour, elle decouvrit enfin a sa gauche, au-dela
du fleuve, les hauts minarets de cette grande capitale, et a sa droite,
dans le desert, les gigantesques pyramides dorees par le soleil. A
la vue de ces monumens, elle s'arreta comme saisie de curiosite et
d'admiration. Le visage de Bonaparte etait rayonnant d'enthousiasme;
il se mit a galoper devant les rangs des soldats, et leur montrant les
pyramides: _Songez_, s'ecriait-il, _songez que du haut de ces pyramides
quarante siecles vous contemplent_. On s'avanca d'un pas rap
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