faite est terrible pour des carres enfonces, la perte est
nulle pour des carres victorieux. Les Mameluks avaient perdu leurs
meilleurs cavaliers par le feu ou par les flots. Leurs forces etaient
dispersees, et la possession du Caire nous etait assuree. Cette capitale
etait dans un desordre extraordinaire. Elle renferme plus de trois cent
mille habitans, et elle est remplie d'une populace feroce et abrutie,
qui se livrait a tous les exces, et voulait profiter du tumulte pour
piller les riches palais des beys. Malheureusement la flottille
francaise n'avait pas encore remonte le Nil, et nous n'avions pas le
moyen de le traverser pour aller prendre possession du Caire. Quelques
negocians francais, qui s'y trouvaient furent envoyes a Bonaparte par
les scheiks, pour convenir de l'occupation de la ville. Il se
procura quelques djermes pour envoyer un detachement qui retablit la
tranquillite et mit les personnes et les proprietes a l'abri des fureurs
de la populace. Il entra le surlendemain dans le Caire, et alla prendre
possession du palais de Mourad-Bey.
A peine fut-il etabli au Caire, qu'il se hata d'employer la politique
qu'il avait deja suivie a Alexandrie, et qui devait lui attacher le
pays. Il visita les principaux scheiks, les flatta, leur fit esperer le
retablissement de la domination arabe, leur promit la conservation de
leur culte et de leurs coutumes, et reussit completement a les gagner
par un melange de caresses adroites et de paroles imposantes, empreintes
d'une grandeur orientale. L'essentiel etait d'obtenir des scheiks de la
mosquee de Jemil-Azar une declaration en faveur des Francais. C'etait
comme un bref du pape chez les chretiens. Bonaparte y deploya tout ce
qu'il avait d'adresse, et il y reussit completement. Les grands scheiks
firent la declaration desiree, et engagerent les Egyptiens a se
soumettre a l'envoye de Dieu, qui respectait le prophete, et qui venait
venger ses enfans de la tyrannie des Mameluks. Bonaparte etablit au
Caire un divan, comme il avait fait a Alexandrie, compose des principaux
scheiks et des plus notables habitans. Ce divan ou conseil municipal
devait lui servir a gagner l'esprit des Egyptiens, en les consultant,
et a s'instruire par eux de tous les details de l'administration
interieure. Il fut convenu que dans toutes les provinces il en serait
etabli de pareils, et que ces divans particuliers enverraient des
deputes au divan du Caire, qui serait ainsi le grand divan national.
Bo
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