ge d'autorite qui n'aurait rien de facheux; car en laissant le
Pacha au Caire, comme il y avait ete jusqu'ici, et en heritant de la
puissance des Mameluks, on n'avait pas grand'chose a regretter. Quant
aux habitans, il fallait, pour se les attacher, gagner la veritable
population, c'est-a-dire celle des Arabes. En respectant les scheiks, en
caressant leur vieil orgueil, en augmentant leur pouvoir, en flattant un
desir secret qu'on trouvait en eux, comme on l'avait trouve en Italie,
comme on le trouve partout, celui du retablissement de l'antique
patrie, de la patrie arabe, on etait assure de dominer le pays et de se
l'attacher entierement. Bien plus, en menageant les proprietes et les
personnes, chez un peuple qui etait habitue a regarder la conquete comme
donnant droit de meurtre, de pillage et de devastation, on allait causer
une surprise des plus avantageuses a l'armee francaise; et si, en outre,
on respectait les femmes et le prophete, la conquete des coeurs etait
aussi assuree que celle du sol.
Bonaparte se conduisit d'apres ces erremens aussi justes que profonds.
Doue d'une imagination tout orientale, il lui etait facile de prendre
le style solennel et imposant qui convenait a la race arabe. Il fit des
proclamations qui etaient traduites en arabe et repandues dans le pays.
Il ecrivit au pacha: "La republique francaise s'est decidee a envoyer
une puissante armee pour mettre fin aux brigandages des beys d'Egypte,
ainsi qu'elle a ete obligee de le faire plusieurs fois dans ce siecle
contre les beys de Tunis et d'Alger. Toi, qui devrais etre le maitre
des beys, et que cependant ils tiennent au Caire sans autorite et sans
pouvoir, tu dois voir mon arrivee avec plaisir. Tu es sans doute deja
instruit que je ne viens point pour rien faire contre l'alcoran ni le
sultan. Tu sais que la nation francaise est la seule et unique alliee
que le sultan ait en Europe. Viens donc a ma rencontre, et maudis avec
moi la race impie des beys." S'adressant aux Egyptiens, Bonaparte leur
adressait ces paroles: "Peuples d'Egypte, on vous dira que je viens pour
detruire votre religion. Ne le croyez pas; repondez que je viens vous
restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte plus que
les Mameluks Dieu, son prophete et le Koran." Parlant de la tyrannie
des Mameluks, il disait: "Y a-t-il une belle terre? elle appartient aux
Mameluks. Y a-t-il une belle esclave, un beau cheval, une belle maison?
cela appartient aux Mameluks. S
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