glaises, et avait
eu l'audace de perdre quelques jours a Malte pour en faire la conquete.
La gaiete regnait sur l'escadre; on ne savait pas exactement ou l'on
allait, mais le secret commencait a se repandre, et on attendait avec
impatience la vue des rivages qu'on allait conquerir. Le soir, les
savans, les officiers-generaux qui etaient a bord de _l'Orient_, se
reunissaient chez le general en chef, et la commencaient les ingenieuses
et savantes discussions de l'Institut d'Egypte. Un instant, l'escadre
anglaise ne fut qu'a quelques lieues de l'immense convoi francais, et
de part et d'autre on l'ignora. Nelson commencant a supposer que les
Francais s'etaient diriges sur l'Egypte, fit voile pour Alexandrie,
et les y devanca; mais ne les ayant pas trouves, il vola vers les
Dardanelles, pour tacher de les y rencontrer. Par un bonheur singulier,
l'expedition francaise n'arriva en vue d'Alexandrie que le surlendemain,
13 messidor (1er juillet). Il y avait un mois et demi a peu pres qu'elle
etait sortie de Toulon.
Bonaparte envoya chercher aussitot le consul francais. Il apprit que les
Anglais avaient paru l'avant-veille, et les jugeant dans les parages
voisins, il voulut tenter le debarquement a l'instant meme. On ne
pouvait pas entrer dans le port d'Alexandrie, car la place paraissait
disposee a se defendre; il fallait descendre a quelque distance, sur
la plage voisine, a une anse dite du Marabout. Le vent soufflait
violemment, et la mer se brisait avec furie sur les recifs de la cote.
C'etait vers la fin du jour. Bonaparte donna le signal et voulut aborder
sur-le-champ. Il descendit le premier dans une chaloupe; les soldats
demandaient a grands cris a le suivre a la cote. On commenca a mettre
les embarcations a la mer, mais l'agitation des flots les exposait a
chaque instant a se briser les unes contre les autres. Enfin, apres
de grands dangers, on toucha le rivage. A l'instant une voile parut a
l'horizon; on crut que c'etait une voile anglaise: "_Fortune_, s'ecria
Bonaparte, _tu m'abandonnes! quoi! pas seulement cinq jours!_" La
fortune ne l'abandonnait pas, car c'etait une fregate francaise qui
rejoignait. On eut beaucoup de peine a debarquer quatre ou cinq mille
hommes, dans la soiree et dans la nuit. Bonaparte resolut de marcher
sur-le-champ vers Alexandrie, afin de surprendre la place, et de ne pas
donner aux Turcs le temps de faire des preparatifs de defense. On se
mit tout de suite en marche. Il n'y avait pas un chev
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