vecu plus d'un siecle
sans les fautes des medecins, qui lui mirent la gangrene dans le sang.
On lui trouva aussi la capacite de l'estomac et des intestins double au
moins des hommes de sa taille, ce qui est fort extraordinaire, et ce qui
etait cause qu'il etait si grand mangeur et si egal.
"Ce fut un prince a qui on ne peut refuser beaucoup de bon, meme de
grand, en qui on ne peut meconnaitre plus de petit et de mauvais, duquel
il n'est pas possible de discerner ce qui est de lui ou emprunte; et,
dans l'un et dans l'autre, rien de plus rare que des ecrivains qui en
aient ete bien informes, rien de plus difficile a rencontrer que des
gens qui l'aient connu par eux-memes et par experience, et qui soient
capables d'en ecrire, en meme temps assez maitres d'eux-memes pour en
parler sans haine ou sans flatterie, et de n'en rien dire que par la
verite nue en bien et en mal."
M. le duc de Saint-Simon, parlant de Louis XIV, apres s'etre si
longtemps incline sous sa loi souveraine, a manque, sinon de respect,
tout au moins d'indulgence. Il commence par refuser ce qu'il appelle un
grand esprit a ce jeune roi de vingt-trois ans, qui grandit si vite et
si bien, au milieu de tant de beaux genies, espoir de la guerre, honneur
de la paix. Tant de grands poetes, de ministres habiles, de generaux
aimes de la victoire. En meme temps, les femmes les plus considerables
par leurs graces et par leur beaute, qui enseignerent au jeune prince
l'elegance et la politesse. Il etait ne avec la majeste, et pas un de
ses sujets n'a jamais pense qu'il put etre autre chose qu'un grand roi.
Il le sentait lui-meme; il comprenait les devoirs du regne. Il avait
pres de lui, pour lui enseigner le gouvernement, le grand ministre
Colbert. A peine roi, il fut appele hors de ses frontieres par des
guerres nationales; il agrandit la France; il fit sentir l'autorite
francaise en Italie, en Allemagne, en Espagne, et de tres bonne heure il
habitua l'Europe a dire tout simplement: _le roi!_ sans ajouter: le roi
de France. _Le roi est mort!_ retentit dans le monde entier.
En meme temps, que de chefs-d'oeuvre eclos a l'ombre eclatante de ce
grand trone! Il avait Moliere a ses ordres; Racine, initie dans les
passions de sa jeunesse, les transportait sur le theatre. Il y eut dans
le jardin de Versailles de telles fetes, que la poesie en devait garder
le souvenir. Des paroles furent prononcees, dans cette chapelle de
Versailles, d'une solennite si grande, que l'echo
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