re sans etre reconnu. Il s'en fut a
pied jusqu'a la porte Saint-Honore, ou l'attendait un carrosse qui
le conduisit jusqu'aux remparts. La, il monta a cheval, et, suivi de
plusieurs des siens, le voila parti. Ce ne fut que sur les neuf heures,
apres leur souper, que le roi et la reine s'aviserent de son absence et
le firent chercher _par toutes les chambres_. Evidemment, il n'etait pas
au Louvre; on le cherche dans la ville, il n'etait plus dans la ville. A
la fin, le roi s'inquiete et se fache, et commande a tous les princes
et seigneurs de sa maison de monter a cheval, et de ramener Henri de
Navarre mort ou vif. Sur quoi, plusieurs de ces princes et seigneurs
repondent au roi que la commission etait dure, et quelques-uns, ayant
fait mine de le chercher, s'en revinrent au point du jour.
Voila la reine Marguerite en grand'peine de cet epoux qui ne l'avait
point avertie; elle pleure et se lamente, et le roi son frere menace de
lui donner des gardes. Par vengeance, il resolut d'envoyer des hommes
d'armes dans le chateau de Torigny, avec l'ordre de s'emparer de la dame
de Torigny, l'amie et la cousine de la reine Marguerite, et de la jeter
dans la riviere. Ces mecreants, sans autre forme de proces, s'emparent
du chateau a minuit. Ils mettent le manoir au pillage, et quand ils se
sont bien gorges de viande et de vins, ils lient cette miserable dame
sur un cheval pour la jeter a la riviere... Deux cavaliers, amis de
la reine Marguerite, passaient par la a la meme heure, et voyant le
traitement que subissait la dame de Torigny, ils la delivrent et la
menent au roi de Navarre. A cette nouvelle, la colere de la reine mere
et de son digne fils ne connait plus de bornes; ils veulent que la reine
Marguerite leur serve au moins d'otage, et la voila prisonniere et
seule, et pas un ami qui la console. Il y en eut un, cependant, ami
devoue de la mauvaise fortune, un vrai chevalier, M. de Crillon, qui
s'en vint, chaque jour, visiter la captive, et pas un des gardiens n'osa
refuser le passage a ce brave homme.
Cependant le roi de Navarre avait regagne son royaume; il attirait a
sa bonne mine, a sa juste cause, un grand nombre de gentilshommes.
Il retrouvait son petit tresor tres grossi par l'epargne de sa soeur
Catherine; et, comme chacun lui representait qu'il eut bien fait
d'amener avec lui la reine Marguerite, il lui ecrivit une belle lettre,
dans laquelle il la rappelait de toutes ses forces, remettant sa cause
entre ses mains, e
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