'emparer de ce dernier
rempart de l'Espagne et donner a la France une si belle cite, Marguerite
eut fait volontiers ce grand sacrifice. Au moins, si elle ne prit pas la
ville, elle eut le grand talent de savoir comment on la pouvait prendre.
Elle s'inquieta de ses defenses; elle voulut connaitre le nombre et la
profondeur des fosses; comment la citadelle etait gardee, et quels en
etaient les cotes vulnerables. A toutes ces questions, faites avec un
art digne de la meilleure eleve de Catherine de Medicis, le gouverneur
de Cambrai, qui voulait etre agreable a tout prix, eut la condescendance
de repondre. Il fit plus, il accepta la proposition que lui fit la jeune
reine de l'accompagner jusqu'a Namur, et dans ce voyage, qui ne dura pas
moins de douze jours, elle abattit le peu de resistance et d'orgueil
qui restaient dans l'esprit du gouverneur. Malheureusement, don Juan
veillait sur toute chose. Il n'eut rien refuse a la belle voyageuse,
mais il n'etait pas homme a lui donner un pouce de terrain dans les
terres qui appartenaient a l'Espagne.
Et cependant, toutes ces villes flamandes luttaient de courtoisie.
Elles etaient beaucoup plus riches que les villes francaises, et d'une
hospitalite vraiment royale. A Valenciennes, Marguerite admira les
belles places, les belles eglises, les fontaines d'eau jaillissante;
elle et sa suite furent frappees d'etonnement au carillon harmonieux de
toutes ces belles horloges, dont chacune exhalait son cantique dans les
airs doucement rejouis. Ces Flandres ont de tout temps excelle dans ces
recreations a l'usage d'une ville entiere. Elles aimaient la parade
publique, les jardins, les musees, la fete a laquelle chacun prend sa
part. Elles aimaient la justice et la gaiete; elles execraient l'Espagne
et les Espagnols. Le nom de Philippe II et celui du digne executeur de
ses terribles volontes, le duc d'Albe, retentissaient dans les coeurs
flamands comme un remords. Ils pleuraient le comte d'Egmont, decapite
avec le comte de Horn, comme s'ils eussent ete participants a son
meurtre.
De ces cruels souvenirs leurs fetes etaient troublees; mais sitot qu'ils
possederent la reine Marguerite, ces pays maltraites oublierent, pour
un instant, leur cruel ressentiment. Ce fut a qui serait le plus
hospitalier pour la princesse, et les plus belles Flamandes, familieres
et joyeuses (c'est leur naturel), accoururent au-devant de l'etrangere
avec tant de grace et d'honnetete, qu'elles la retinrent pendant h
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