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ecuyers et les gentilshommes. La compagnie etait jeune, elegante; elle
faisait peu de chemin en un jour; elle fut la bienvenue, et trouva
toutes sortes de louanges sur son passage:
"J'allois en une littiere faite a piliers doublez velours incarnadin
d'Espagne en broderie d'or et de soye nuee a devise. Cette littiere
etoit toute titree et les vitres toutes faites a devise; y ayant, ou a
la doublure ou aux vitres, quarante devises toutes differentes, avec
les mots en espagnol, en italien, sur le soleil et ses effets; laquelle
etoit suivie de la littiere de Mme de la Roche-sur-Yon et de celle de
Mme de Tournon, ma dame d'honneur, et de dix filles a cheval avec leur
gouvernante, et de six carrioles ou chariots, ou alloit le reste des
dames et femmes d'elle et de moy."
Ecoutez la belle voyageuse; elle vous dira que tout cet appareil etait
fait uniquement pour augmenter le respect des peuples et l'admiration
de l'etranger. Cependant, les villes sur la chemin du cortege avaient
grand'peine a donner une hospitalite convenable a tant de princes, de
princesses ou de seigneurs. Les campagnes etaient ruinees de fond en
comble, et le paysan, dans ses champs devastes, voyant passer tant de
splendeurs inutiles, se demandait s'il n'etait pas le jouet d'un reve.
Arrivee a la frontiere du Cambresis, la princesse errante trouva un
gentilhomme que lui envoyait l'eveque de Cambrai. Ce gentilhomme annonca
que son maitre allait venir, et l'eveque, en effet, se montra, lui et
sa suite, vetus comme des Flamands, et beaucoup plus Espagnols que
Francais. Que dis-je? Ils se vantaient d'etre les amis et les envoyes de
ce meme don Juan d'Autriche, un des grands admirateurs de la princesse,
avant qu'elle ne fut reine de Navarre. Du milieu des fetes du Louvre, et
de tant d'intrigues de la cour des Valois, don Juan n'avait rapporte
que l'image et le souvenir de la reine Marguerite. A la nouvelle de
son voyage, il etait accouru au-devant de la princesse, et il vint
l'attendre aux portes de Cambrai, une grande cite fortifiee, et des plus
belles de la chretiente par sa citadelle et par ses eglises. Il y eut,
le meme soir de cette entree, une grande fete au palais episcopal,
un festin suivi d'un grand bal, le bal suivi d'une _collation de
confitures_. La jeune reine eut, ce meme soir, pour la conduire, le
gouverneur du chateau fort.
En ce temps-la, Cambrai appartenait encore a l'Espagne, et s'il n'eut
fallu qu'un sourire, une bonne parole, pour s
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