nce et Paris, et ce grand roi dont elle n'etait plus l'epouse. En
vain, ses conseillers lui disaient: "Prenez garde, il ne faut pas
deplaire au roi, votre maitre; attendez son ordre et tenez vous
a distance..." Elle n'obeit qu'a sa passion du moment, et, sans
permission du roi son maitre, elle fit dans Paris une entree royale.
Elle etait belle encore, et la ville entiere, a la revoir, reconnut
cette beaute qu'elle avait adoree. Elle eut frappe aux portes du
Louvre des rois ses aieux, les portes du Louvre se seraient ouvertes
d'elles-memes... Elle n'alla pas si loin. Elle s'etait bati, avec une
prevoyance assez rare, une belle maison sur les bords de la Seine, au
milieu de jardins magnifiques, et dans cette maison faite a son usage
elle avait entasse, curieuse et connaisseuse en toutes choses, les plus
rares et les plus exquises merveilles de ces arts singuliers dont le
gout du roi Henri III fut la derniere expression.
A peine installee en ce lieu charmant, la reine Marguerite eut une
cour brillante, non pas tant de soldats et de capitaines (ceux-la se
pressaient autour du Bearnais), mais de beaux esprits, de poetes,
d'historiens, de causeurs, attires par la grace et l'enchantement de
cette aimable decouronnee.
Il y vint un des premiers, le roi Henri IV; il s'amusait a ces fetes
brillantes; il se plaisait a ces surprises si bien menagees. Il disait
que toute la peine etait au Louvre et tout le plaisir chez la reine
Marguerite. Elle avait le grand art de plaire; elle plaisait, meme sans
le vouloir. Henri IV la trouvait charmante, a present qu'il n'etait plus
son mari.
M. de Sully, plus prevoyant, resistait a ces belles graces, et quand la
reine se plaignait des froideurs du premier ministre: "Il vous trouve un
peu depensiere, disait le roi, et nous avons tant besoin d'argent!--
Nous autres Valois, disait la reine en relevant sa tete fiere, nous
aimons la depense et nous sommes prodigues.--Nous autres Bourbons,
repondait le roi, nous aimons l'economie et nous sommes avares." Il
croyait rire, il disait juste. Ces princes de la maison de Valois
etaient splendides en toutes choses, hormis ce qui les concernait
personnellement; les princes de la maison de Bourbon sentaient
l'epargne. Mais la reine Marguerite laissait gronder M. de Sully et
redoublait de magnificence. Henri, pour elle, etait prodigue. On voyait
qu'il ne pouvait guere se passer de cet aimable rendez-vous des belles
causeries, des fetes intimes, de la musiq
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