s de temps a la preparer. Dans
les premiers jours qui suivirent le terrible massacre, Henri de
Navarre eut grand'peine a sauvegarder sa propre vie. Il etait pour son
beau-frere un sujet d'inquietude, un objet de haine pour sa belle-mere.
Ils se demandaient l'un l'autre, en toutes ces confusions, pourquoi ils
avaient epargne le veritable chef des protestants? de quel droit ils le
laissaient vivre? Ils comprenaient qu'avant peu l'intrepide et
vaillant capitaine Henri de Navarre deviendrait le vengeur de ses
coreligionnaires, et leur pressentiment ne les trompait pas.
Sur l'entrefaite, le roi Charles IX, tout couvert du sang de ses sujets,
fut saisi, soudain, d'une maladie, incomparable et sans remede. Il se
mourait lentement, sous l'epouvante et le remords. Pas un moment de
treve a sa peine et pas un instant de sommeil, son ame, a la torture,
etant aussi malade que son corps. En toute hate, la reine Catherine de
Medicis rappela son troisieme fils, le duc d'Anjou, qui etait alle
en Pologne chercher une couronne ephemere. Et cependant, chaque jour
ajoutait aux tortures du roi Charles IX. Il etait seul, en proie aux
plus sombres pressentiments, cherchant a comprendre, et ne comprenant
pas que c'etait le remords qui le tuait. Il meurt enfin, charge de
l'execration de tout un peuple, et le roi de Pologne accourt en toute
hate, a la facon d'un criminel qui se sauve de sa geole. Il fut recu a
bras ouverts par la reine mere et par la jeune reine de Navarre, qui
vint au-devant de lui, dans son carrosse dore, garni de velours jaune et
d'un galon d'argent. Alors, les fetes recommencerent; on n'eut pas dit
que la guerre civile etait au beau milieu de ce triste royaume. Le
roi et les dames acceptaient toutes les invitations des chateaux, des
monasteres et meme des banquiers d'Italie. On allait, en grand appareil,
par la Bourgogne et la Champagne, jusqu'a Reims, et, durant ces longs
voyages, les plus beaux gentilshommes s'empressaient autour de la jeune
reine, le roi de Navarre etant surveille de tres pres, sans credit, sans
autorite, et portant peniblement le joug de la reine mere et les mepris
du nouveau roi.
III
La reine Marguerite a tres bien raconte comment le roi de Navarre a fini
par echapper a ses persecuteurs. Nous l'avons dit: _Il n'etait pas sans
crainte pour sa vie_. Un soir, peu avant le souper du roi, le roi de
Navarre, changeant de manteau, s'enveloppa dans une espece de capuchon,
et franchit les guichets du Louv
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