ale, ou le bruit du tocsin
de Saint-Germain-l'Auxerrois, les plaintes des mourants, le sang des
morts, les cris des egorgeurs remplirent la ville et le Louvre des
rois de desordre et de confusion! Tout fut cruaute, perfidie, embuches
impitoyables! La jeune reine, ignorante de ces trames dans lesquelles
devaient tomber les amis, les partisans, les compagnons du roi de
Navarre son mari, apprit seulement par le bruit du tocsin ces meurtres
et ces vengeances qui la touchaient de si pres. Elle avait passe sa
soiree a causer de choses indifferentes avec la reine mere et le
roi, bourreau de son peuple, sans rencontrer dans leur regard un
avertissement, une pitie. Or, quand la reine mere, au moment ou l'heure
fatale allait sonner, commandait a sa fille qu'elle eut a rejoindre son
mari dans sa chambre... evidemment elle l'envoyait a la mort.
--N'y allez pas, ma soeur, lui disait sa plus jeune soeur, ou vous etes
perdue!
--Il le faut, repondit la reine mere; allez, ma fille.
"Et moi, je m'en allay, toute transie et esperdue, sans me pouvoir
imaginer ce que j'avois a craindre."
Ah! quel drame, et comment etait faite l'ame de Catherine de Medicis!
A peine endormis, dans une securite profonde, les jeunes epoux entendent
frapper a leur porte avec ces cris: "Navarre! Navarre!" Un malheureux
gentilhomme du Bearn qui avait suivi le roi a Paris, M. de Tegean, perce
d'un coup de hallebarde (le massacre etait commence), et poursuivi
par les assassins qui le voulaient achever, enfoncait la porte de la
chambre; et comme le roi de Navarre s'etait leve au premier bruit du
tocsin, pour s'informer des perils qu'il pressentait, le malheureux
gentilhomme, entourant la jeune reine de ses bras suppliants: "Grace et
misericorde! o Madame, protegez-moi!" disait-il. Les meurtriers, sans
respect pour la soeur du roi catholique, acheverent leur horrible tache
sous les yeux de Marguerite eperdue, et le sang de M. de Tegean souilla
le lit royal. Croirait-on, cependant, que cette horrible nuit de la
Saint-Barthelemy, la reine Marguerite la raconte, en ses memoires, avec
aussi peu de souci que le dernier bal donne par le roi son frere!
Ces grands crimes ont cela de particulierement abominable: il faut etre
a certaine distance pour en percevoir toute l'etendue, et pourtant,
quelle que soit la concision de l'ecrivain de ses propres Memoires,
la suite des evenements arrive, inevitable, et parfois d'autant plus
pressante que l'historien aura mis moin
|