. Urbain pour
son notaire, et nos projets auraient ete bientot dejoues par cet homme
adroit et droit.
--Aussi, reprit M. Romain, j'emmene avec moi un homme d'affaires qui en
sait long, et qui en remontrerait a tous les notaires du departement. On
dit que la dame aurait besoin, pour tout liquider, d'un emprunt de vingt
mille francs; maitre Uberti, que voila, les trouvera facilement sur
hypotheque, avec deux pour cent de commission; donc rien a faire pour
maitre Urbain: tout au plus le priera-t-on de signer au contrat, s'il ne
s'oppose pas trop au regime de la communaute.
--Je me suis laisse dire aussi, reprenait le commis voyageur, qu'il y
avait une niece assez jolie a marier, et que, naturellement, le bien de
la dame en serait ecorne.
--Ceci est tres vrai, reprit M. Romain; mais il est convenu entre moi et
mon ami le baron de Guillegarde, un gaillard qui sait son metier et qui
n'a pas froid aux yeux, qu'il epousera la demoiselle, moyennant une tres
legere indemnite, que je doublerai s'il le faut, en cas de survie.
--Vous avez des intelligences dans la place? ajoutait le marchand de
vins.
--Nous avons contre nous, repondit Romain, une mechante petite servante
bretonne que la dame a ramenee il y a quatre ou cinq ans de Rennes,
et qui lui est rudement attachee ainsi qu'a Mlle Laure. Oui, mais le
factotum de la maison, le fameux Jolibois, m'appartient, et j'ai paye
d'un assez bon prix sa vilaine ame. Mais qu'y faire? Il faut bien que
tout le monde vive, et mon lot sera encore assez beau.
--Vous avez raison, monsieur Romain, reprit le voyageur d'une voix plus
basse encore, il faut que chacun vive; et, pour les epingles de mes deux
cousines, les demoiselles Levallois, qui tiennent en leurs mains
l'ame et l'esprit de votre future epouse, autant que pour ma propre
allegeance, il serait bon de convenir entre nous que vous me cedez
pendant cinq ans, pour le prix des recoltes ordinaires de chaque annee,
toute la recolte du clos de Saint-Geran.
--Y pensez-vous? reprit Romain, Saint-Geran se classe et sera classe
avant peu parmi nos meilleurs crus. J'ai deja obtenu que l'an prochain
Saint-Geran serait inscrit en toutes lettres sur la carte des vins de
la Maison d'Or, du Cafe anglais et des Freres Provencaux. Je tiens le
traite de ces grandes maisons dans mon portefeuille; elles payeront l'an
prochain quatre cents francs la feuillette que vous voulez avoir pour
cent cinquante. Ah! quelle idee avez-vous la? Qui, moi, j'
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