n, il les montre a merveille; il applaudit a leur faveur;
il ne se gene point pour pleurer sur leurs disgraces. A cote de Brantome
il y avait, pour celebrer la reine de Navarre, un poete, un grand poete
appele Ronsard, l'ami de Joachim Dubellay. _Le grand Ronsard_, comme on
disait sous le regne de Henri IV! Et quand Ronsard et Brantome, eclaires
des memes beautes, se rencontraient, ils celebraient a l'envi Madame
Marguerite:
Il fault aller contenter
L'oreille de Marguerite,
Et dans son palais chanter
Quel honneur elle merite.
Et c'etait, du poete au capitaine, a qui mieux mieux chanterait la dame
souveraine. Aux vers de Ronsard applaudissaient tous les beaux esprits
et tous les grands seigneurs de son temps: le cardinal de Lorraine, le
duc d'Enghien, le seigneur de Carnavalet, Guy de Chabot, seigneur de
Jarnac. Pendant vingt ans, sur la guitare et sur le luth, les jeunes
gens, les pages, les demoiselles, le marchand dans sa boutique et le
magistrat dans sa maison ont chante la chanson de Marguerite:
En mon coeur n'est point ecrite
La rose, ny autre fleur,
C'est toi, belle Margarite,
Par qui j'ai cette couleur.
N'es-tu pas celle dont les yeus
Ont surpris
Par un regard gracieus
Mes esprits?
II
Cette aimable reine, habile autant que femme du monde, et bien digne
d'avoir partage la nourriture et l'education de la reine d'Ecosse et de
la reine d'Espagne, Elisabeth de Valois, la seconde femme de Philippe
II, avait ecrit, dans les heures sombres de sa vie, au moment ou la plus
belle enfin se rend justice, un cahier contenant les souvenirs de
sa jeunesse. Il n'y a rien de plus rare et de plus charmant que ces
memoires parmi les livres sinceres sortis de la main d'une femme. Le
style en est tres vif, l'accent en est tres vrai. Le premier souvenir de
la jeune princesse est d'avoir accompagne a Bayonne sa soeur, la reine
d'Espagne, que la reine mere et le roi Charles IX conduisaient par la
main au terrible Philippe II. La princesse Marguerite etait encore une
enfant, mais elle se rappelle en ses moindres details le festin des
fiancailles. Dans un grand pre entoure d'une haute futaie, une douzaine
de tables etaient servies par des bergeres habillees de toile d'or et de
satin, selon les habits divers de toutes les provinces de France. Elles
arrivaient de Bayonne sur de grands bateaux, accompagnees de la musique
des dieux marins, et, chaque troupe etant a sa place, les Poitevines
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