eran, fille d'un M. Fauvel, gentilhomme
breton, et l'on peut bien penser qu'a la faveur de cette communaute de
nom propre, elle n'avait pas ete la derniere a solliciter l'amitie du
jeune homme. A chaque piece nouvelle il etait sur de recevoir une lettre
affable de son amie inconnue, et tantot elle lui envoyait les meilleurs
poulets de sa basse-cour, tantot le bon vin de ses celliers; en automne,
elle ne lui menageait ni les raisins ni les peches. Bref, en toute
occasion, elle le traitait en ami, et plus tard, en enfant gate.
Lui, cependant, s'abandonnait volontiers a ces tendresses innocentes.
Il y repondait de son mieux, et le premier exemplaire de chacune de ses
comedies, orne d'une petite historiette de la premiere representation,
devenait la joie et l'orgueil du chateau de Saint-Geran-sur-Saone. Plus
d'une fois ses propres voisins, quand ils se rendaient a Paris, avaient
prie Mme Fauvel de Saint-Geran de leur donner une lettre a porter a son
cousin, l'illustre M. Fauvel; elle avait longtemps hesite; longtemps
elle s'etait defendue, elle n'avait pu si bien faire qu'elle n'ont
donne, en effet, deux ou trois lettres de recommandation pour son
_cousin_, non pas, certes, sans un certain trouble. Heureusement qu'il
est ecrit: _A bon entendeur, salut!_ et que le cousin avait fait bonne
grace aux requetes de sa cousine, si bien que chez messieurs les
vignerons, et chez plus d'un gentilhomme des environs de Macon, il
etait incontestable qu'il y avait parente formelle entre la dame et le
monsieur. M. Fauvel en riait lui-meme. "Acceptez, disait-il a ses amis,
une aile de ce chapon que ma cousine Fauvel de Saint-Geran engraisse
depuis tantot six mois pour mon diner du mardi gras."
Cependant, il n'avait jamais vu la dame, et malgre ses sollicitations
pressantes, elle n'etait point venue a Paris, si bien que la premiere
ardeur etant passee et les premieres amities etant faites, on avait
commence par s'ecrire un peu moins, puis rarement. Dans l'intervalle
etait mort M. de Saint-Geran, et maintenant que la dame etait une veuve,
jeune encore et bonne a marier, elle avait juge qu'il etait sage et
prudent d'insister un peu moins sur son cousinage avec le jeune et
celebre poete. Ainsi, peu a peu, la langueur s'etait mise entre ces deux
amities, trop eloignees l'une de l'autre pour qu'elles fussent bien
tendres et bien vives. La dame etait de bon sens, le jeune homme aussi;
la dame, a raison meme de son veuvage, avait sur les bras de
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