servis par des hommes qui
valent mieux qu'eux_. C'est bien le meme homme qui s'indignait en voyant
_les comediens en carrosse eclabousser Corneille a pied_.
Cependant nos armes sont malheureuses. Nos meilleurs generaux se
laissent battre. En vain nous nous prosternons devant la reine et le roi
d'Angleterre, hotes passagers du chateau de Saint-Germain, la necessite
nous force enfin de saluer la majeste du roi Guillaume et d'implorer la
paix du meme prince que le roi ne voulait pas reconnaitre. Il est vrai
que, la paix conclue, ordre fut donne aux musiciens de la chapelle de ne
rien chanter qui put chagriner les hotes de Saint-Germain. M. Dangeau,
l'historien des jours heureux et des jours sombres, quand a peine il
inscrit dans ses pages le nom de Guillaume d'Orange et de la reine
Marie, aussitot qu'un rayon se leve et resplendit du cote de l'Espagne,
a grand soin de raconter par quel miracle et soudain _il n'y a plus de
Pyrenees_. L'historien entre alors dans les moindres details du duc
d'Anjou devenu roi d'Espagne; les fetes, les plaisirs, les comedies,
le grand appartement, la duchesse et le duc de Bourgogne representant
devant les deux rois (les trois rois, en comptant celui d'Angleterre)
_les Plaideurs_ de Racine. Un instant maltraites au Theatre-Francais,
_les Plaideurs_ s'etaient releves a Versailles, la cour ayant casse
l'arret de la ville, et maintenant les acteurs de cette heureuse piece,
outre le duc et la duchesse de Bourgogne, n'etaient rien moins que la
duchesse de Guiche, Mme d'Heudicourt, la comtesse d'Ayen, Mme d'O et de
Mongon, et Mme de Normanville.
Racine, helas! n'eut pas l'honneur de cette representation royale. Il se
mourait, a l'heure meme ou _les Plaideurs_ remplissaient l'appartement
de leurs gaietes. Racine etait pis que malade, il etait en disgrace pour
avoir ecrit en faveur des pauvres gens un memoire que Mme de Maintenon
lui avait commande. Quand il fut mort, le premier voeu de son testament
fut d'etre enterre a Port-Royal, _ce qu'il n'eut pas ose faire de son
vivant_, disaient MM. les courtisans, qui riaient de tout. Le roi,
cependant, le regretta, et donna une pension de deux mille livres pour
sa veuve et ses enfants. Il avait pleure Moliere un peu moins que
Racine, et s'etait a peine inquiete de ses funerailles.
Sur la meme page on lit (car tous les mortels sont egaux a Versailles):
M. Soupir, capitaine aux gardes, est mort pour s'etre fait couper un cor
au pied.--La reine de Portuga
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