re parole! Ces noms-la ne plaisaient guere aux oreilles
du roi; les meilleurs esprits de sa cour s'entretenaient tout bas des
vertus de Port-Royal.
Mais voici bien une autre mort, et celle-la irreparable. On apprenait,
le jeudi 26 avril 1696, que Mme la marquise de Sevigne venait de mourir
dans le chateau de Grignan, sans que pas un, autour d'elle, et sa fille
elle-meme, eut prevu cette fin subite d'une si belle vie. On peut dire
avec assurance que Mme la marquise de Sevigne, non moins que Mme de
Montespan et Mme de Maintenon, tient sa place au premier rang des
intelligences a qui la langue francaise est redevable de la plus grande
part de son charme et de sa clarte. Pas un ecrivain plus que Mme de
Sevigne n'a parle dignement du chateau de Versailles. Elle en savait
toutes les grandeurs, elle en disait toutes les gloires, et le roi, qui
la connaissait bien, ne manquait pas d'aller au-devant d'elle et de
lui offrir son bras pour la conduire au milieu de ces enchantements.
Elegante et charmante en sa vie, elle fut resignee et simple dans sa
mort: "Ma fille, ecrivait-elle peu de temps avant l'heure fatale, j'ai
bien vecu; Dieu me prendra dans sa grace, je l'espere, et, quant a ma
fortune, je mourrai sans dettes et sans argent comptant: c'est toute
l'ambition d'une chretienne."
En ce moment apparait a cette cour, dont elle fut la joie et le deuil,
la princesse de Bourgogne, le dernier printemps de la cour de France.
Un grand esprit en latin (le latin tenait encore a la langue
universelle), appele Santeuil, remplissait la ville et la cour de ses
vives saillies. Il n'etait pas fou, il etait bizarre. Un brin de genie
et l'amitie de Despreaux, sans oublier la protection de Bossuet, voila
Santeuil. Ses belles hymnes, toutes remplies de l'inspiration de l'ode
antique, adoptees par toute l'Eglise de France, etaient chantees dans
les grands jours, et lui-meme il s'enivrait de sa propre inspiration.
Mais ce bonhomme (et voila cette fois le mot juste) se plaisait un peu
trop a la suite des grands seigneurs. Comme il dinait a la table de M.
le prince de Conde et que chacun se plaisait a l'entendre, le prince
eut l'idee abominable de jeter dans le verre de Santeuil une poignee de
tabac d'Espagne, et le malheureux expira dans les convulsions les plus
atroces. C'est au souvenir de cette catastrophe impunie que le grand
justicier de ce siecle, La Bruyere, ecrivit plus tard: _Ce que j'envie
aux plus grands seigneurs, c'est qu'ils sont
|