n disant:
--Tiens! tu me rendras ceci apres l'expedition.
Centurion prit le parchemin d'un air tres detache, mais, si Barba Roja
avait pu discerner l'eclair de triomphe qui s'alluma dans l'oeil du
familier, nul doute qu'il ne lui eut arrache le redoutable papier.
Centurion enfouit le precieux parchemin sous ses loques et, se dirigeant
vers la porte, il s'ecria:
--A bientot, mon cousin. Je n'ai pas un instant a perdre et cependant il
me faut aller changer ce costume.
Deja, Centurion avait ouvert la porte, lorsque Barba Roja, avec une
timidite etrange chez ce colosse, murmura:
--Cristobal!...
Centurion repoussa la porte et attendit. Mais, voyant que Barba Roja,
tres embarrasse, ne pouvait se resoudre a parler, il lui dit avec cette
brusque familiarite qu'il ne se permettait que dans le tete-a-tete:
--Les moments sont precieux, l'homme peut nous echapper. Voyons, videz
votre sac une bonne fois.
--Cette jeune fille, fit le colosse en rougissant.
--La Giralda?... Voila donc ou le bat vous blesse, railla Centurion
narquois.
--Ne pourrais-tu... si l'occasion se presente... faire d'une pierre deux
coups?... reprit Barba Roja.
--Cela se peut faire, dit Centurion avec un mince sourire, si toutefois
la jeune fille est a l'auberge...
--Tu es un bon parent, Cristobal, fit Barba Roja, dont le visage
s'eclaira. Si tu reussis, si tu me livres cette jeune fille, demande-moi
tout ce que tu voudras!...
--Je n'aurai garde d'oublier la promesse, fit Centurion entre haut et
bas.
Et tout haut:
--Je vais travailler de facon a satisfaire a la fois votre haine et
votre amour.
Et, sur ces mots, il s'eclipsa.
XIX
LE SOUPER
Centurion se hata de sortir du palais. Il exultait, le brave Centurion,
et, en caressant sous ses haillons le blanc-seing qu'il venait
d'arracher a la naivete de Barba Roja, il repetait a chaque instant,
comme s'il eut voulu se convaincre lui-meme d'une chose qui lui
paraissait incroyable:
"Je suis riche!... Enfin! je vais donc pouvoir deployer mes ailes et
montrer ce dont je suis capable!"
Comme il traversait la place du Palais en faisant des reves merveilleux,
ce qui ne l'empechait pourtant pas d'avoir l'oeil aux aguets, une ombre,
surgie de derriere un pilier, se dressa soudain devant lui. Centurion
s'arreta et demanda a voix basse:
--Eh bien? L'homme?
--Il a ete attaque par quatre gentilshommes, presque a la porte de
l'auberge. Il les a mis en fuite.
--A lui t
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