r, et c'est pourquoi j'ai eu recours au poison.
--Bon, goguenarda le chevalier, je reconnais la votre habituelle
circonspection. Vous avez si grand-peur de me manquer que vous vous etes
dit que deux precautions valent mieux qu'une.
--C'est vrai, Pardaillan. Aussi ai-je pris non pas deux, mais toutes les
precautions possibles. Vois-tu cette porte de fer qui ferme ta tombe?
--Je ne la vois pas, madame, parbleu! Je n'ai pas des yeux de hibou pour
voir dans la nuit. Mais, si je ne la vois pas, je l'ai reconnue avec mes
doigts.
--Cette porte, dont la clef a ete jetee dans le fleuve, dans quelques
heures sera muree... Le mecanisme actionnant le plafond par ou tu es
descendu sera detruit, la chambre ou je suis aura ses portes et sa
fenetre murees... Alors, tu seras isole du monde, alors tu seras mure
vivant, nul ne soupconnera que tu es la, nul ne pourra t'entendre si tu
appelles, nul ne pourra penetrer jusqu'a toi, meme pas moi...
--Bah! vous avez beau entasser les obstacles, j'echapperai au poison, je
ne mourrai pas de faim et je sortirai d'ici vivant... Le seul avantage
que vous retirerez de cette nouvelle marque d'amour sera d'allonger
un peu plus le compte que nous aurons a regler un jour... et que nous
reglerons en effet, ou j'y perdrai mon nom.
Fausta, comedienne geniale par certains cotes, etait, par certains
autres, ardemment sincere et convaincue. La foi vibrante qu'elle avait
eue en son oeuvre s'etait, sous le choc des revers repetes, peu a peu
effacee. Elle persistait pourtant, mais c'etait maintenant l'orgueil qui
la guidait.
Qui, jusqu'a present, l'avait abattue? Pardaillan. Des lors, la
superstition s'empara d'elle, l'effroi entra dans ce coeur jusque-la
indompte, et superstition et terreur unies exercerent sur elle leur
action dissolvante.
Longtemps, elle avait cru qu'en tuant Pardaillan elle tuerait du meme
coup ces sentiments nouveaux qui la choquaient.
Pardaillan avait resiste a tous ses coups. Comme le phenix de la
legende, cet homme reapparaissait alors qu'elle se croyait certaine de
l'avoir bien definitivement tue. Et, chaque fois qu'il reapparaissait,
c'etait pour aneantir irremediablement ses combinaisons plus savantes,
longuement et patiemment echafaudees.
Sa stupeur avait fait place a la terreur. Et, la superstition s'en
melant, elle n'etait pas eloignee de croire que cet homme etait
invincible, plus qu'invincible: immortel. De la a croire que Pardaillan
etait son mauvais genie c
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