sus.
Elle retrouva a l'instant sa lucidite et son sang-froid. Ce fut d'une
voix tres calme qu'elle repondit:
--Soyez tranquille, chevalier, je me garderai bien et je ferai en sorte
que votre main ne s'appesantisse plus jamais sur personne.
--Voire, grommela Pardaillan, je ne saurais trop vous y engager... Mais,
excusez-moi, madame, je ne sais si c'est le poison que vous m'avez
liberalement dispense, mais il est de fait que je tombe de sommeil.
Brisons donc cet interessant entretien et souffrez que je me couche sur
ces dalles qui n'ont rien de moelleux et dont il faut bien que je me
contente, puisque Votre Saintete n'a pas daigne octroyer meme une botte
de paille au condamne a mort que je suis. Sur ce, bonsoir!...
Et Pardaillan qui, sous l'influence des miasmes deleteres emanes de la
pastille empoisonnee, sentait effectivement ses forces l'abandonner
et tout tourner dans sa tete endolorie, s'enroula dans son manteau et
s'etendit du mieux qu'il put sur les dalles froides.
--Adieu, Pardaillan, dit doucement Fausta.
--Non, pas adieu, par tous les diables! railla une derniere fois
Pardaillan, a moitie endormi, pas adieu, mais au revoir...
Les derniers mots expirerent sur ses levres et il demeura immobile,
endormi... mort, peut-etre.
XXI
CENTURION DOMPTE
Fausta attendit encore un moment, ecoutant attentivement, n'entendant
rien... que les palpitations de son coeur qui battait a coups redoubles.
Elle appela Pardaillan, elle lui parla. Aucune reponse ne parvint a son
oreille tendue.
Alors, elle se redressa, sortit lentement et, confiante sans doute en
ses precautions, dedaigna de fermer la porte derriere elle. Elle vint
s'asseoir dans ce cabinet ou nous l'avons vue en conversation avec
Centurion. La, immobile dans son fauteuil, elle medita longtemps. Dans
sa tete, avec l'obstination d'une obsession, cette question accessoire
se posait avec tenacite:
"Magni m'a-t-il trompee? Est-ce un narcotique ou un poison?"
Cette question aboutissait fatalement a la principale, a la seule qui
comptat pour elle:
"Est-il mort ou simplement endormi?"
Haletante, souffrant une torture physique devant l'effroyable geste,
accompli, elle en tirait logiquement toutes les conclusions, avec une
lucidite que ni la douleur reelle ni l'incertitude ne parvenait a
obscurcir.
"Mort, tout est dit... Delivree de cet amour que Dieu m'imposa comme une
epreuve, mon ame victorieuse redevient invulnerable. Je puis reprendre
|