d bonheur.
--Peut-etre, monsieur. J'avoue que je me suis dit a moi-meme plus d'une
fois ce que vous venez d'exprimer. Mais cela n'attenue ni mes regrets ni
ma douleur.
--Comment avez-vous appris la mort de vos parents? demanda Pardaillan.
Etes-vous bien sur qu'on ne vous a pas trompe, volontairement ou non,
sur ce point?
Le Torero secoua tristement la tete:
--Je tiens ces details du ganadero qui m'a eleve et je suis bien
sur qu'il ne m'a pas menti. Il connaissait, dans tous ses details,
l'histoire de ma famille, et, s'il n'a jamais consenti a me reveler
certaines choses, comme le nom de mes parents, par exemple, c'est que,
m'a-t-il souvent repete: "Le jour ou votre existence sera connue, si
vous ignorez tout de votre famille, on vous laissera peut-etre vivre.
Mais, si on soupconne que vous connaissez votre nom, vous etes un homme
mort!
--Comment cet homme, qui disait que la divulgation du secret de votre
naissance vous serait mortelle, a-t-il pu consentir a vous devoiler
certains details qu'il eut ete plus humain de vous laisser ignorer?
--C'est que, dit gravement le Torero, il pensait que le premier devoir
d'un fils est de venger la mort de ses parents. C'est pourquoi il m'a
dit et repete que, peu de temps apres ma naissance, mon pere et ma mere
sont morts de mort violente, assassines par Philippe, roi d'Espagne...
Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai dit que cet homme ne mourra que
de ma main.
--Je comprends, en effet, dit Pardaillan, qui cherchait ce qu'il
pourrait dire ou faire pour detourner le jeune homme de ce meurtre qui
lui paraissait monstrueux. Mais prenez garde! Qui vous dit que le roi
soit vraiment responsable?
Don Cesar considera un moment Pardaillan en face, comme s'il eut voulu
penetrer le fond de sa pensee. Ne parvenant pas a dechiffrer la verite,
le Torero eut un geste de colere, et, d'une voix sourde:
--La pensee qu'un homme tel que vous peut me croire capable d'un acte
monstrueux m'est insupportable, dit-il. Je vais donc vous dire ce que je
sais. Vous jugerez ensuite si j'ai le droit de venger les miens.
Le jeune homme se recueillit, puis expliqua:
--Mon pere a ete arrete sur l'ordre du roi, enferme dans un cachot,
soumis a la torture, et finalement mis a mort, sans jugement. Ma mere
a ete enlevee, sequestree dans un couvent ou elle est morte,
empoisonnee... Mon pere et ma mere avaient a peu pres l'age que j'ai
aujourd'hui. Moi-meme, encore au berceau, je ne dus la vie qu'
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