anterie, qu'il n'avait pas voulu les tuer. Et, ce qui redoubla
leur ebahissement, ce fut de voir ces trois braves accepter ces paroles
sans protester, car ils se contenterent de saluer gracieusement.
--Au revoir, monsieur de Pardaillan!
--A vous revoir, messieurs, repondit Pardaillan, toujours grave.
Chalabre, Sainte-Maline et Montsery se prirent par le bras et
s'eloignerent en riant tres fort, en plaisantant tout haut, ainsi qu'il
etait de bon ton pour des mignons.
Pardaillan, demeure immobile, bientot n'entendit plus rien. Alors il
poussa un soupir melancolique, haussa les epaules et, prenant le bras de
don Cesar:
--Allons souper, dit-il en l'entrainant vers l'auberge. Il me semble que
vous devez avoir faim.
XVIII
DON CRISTOBAL CENTURION
Comme bien on pense, Pardaillan trouva l'hotellerie sens dessus dessous.
Manuel, l'hotelier, Juana, sa fille, les servantes, tout ce monde, au
bruit de la bataille, s'etait empresse d'accourir et avait assiste a
toute la scene.
Pardaillan avait un air qui faisait que, generalement, on se hatait de
le servir avec egards. Mais, ce soir-la, il ne put s'empecher de sourire
en voyant avec quelle celerite le personnel de l'auberge de la Tour,
patron en tete, s'empressait de prevenir ses moindres desirs.
En un clin d'oeil, la table avait ete dressee dans le coin le mieux
abrite du patio, abondamment garnie de mets propres a aiguiser
l'appetit, tels que: olives vertes, piments rouges, marinades diverses,
saucissons et tranches de porc froid, flanques d'un nombre imposant de
flacons venerables, aux formes diverses, proprement alignes en bataille,
le tout d'un aspect fort rejouissant... surtout pour un homme qui,
enterre vivant, avait pu penser que jamais plus il ne lui serait donne
de se delecter a si appetissant spectacle.
Bien entendu, pendant ce temps, l'hote, rue a ses fourneaux, s'activait
en conscience et se disposait a envoyer l'omelette bien mordoree, les
pigeons cuits a l'etouffee, les cotes d'agneau grillees sur des sarments
bien secs, plus quelques bagatelles comme pates divers, tranches de
venaison, truitons frits, arroses d'un jus de citron. Enfin, pour
couronner dignement le tout: le regiment des marmelades, compotes,
gelees, confitures, pates de fruits divers, accompagnes des flans et
tartes, renforces par les fruits frais de la saison.
Tandis que le personnel de l'hotellerie s'activait a son service,
Pardaillan remplit trois coupes sans mot dire,
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