aite le chevalier
de Pardaillan, n'avait rien trouve de mieux que de le menacer de son
poignard, par-derriere, et s'etait soudain evanoui. Le mendiant s'etait
tout simplement glisse entre les marchandises qui encombraient le
quai, avait gagne une des nombreuses ruelles qui aboutissaient au
Guadalquivir, et s'etait elance en courant dans la direction de
l'Alcazar.
Arrive a une des portes du palais, le mendiant dit le mot de passe
et montra une sorte de medaille. Aussitot, la sentinelle s'effaca
respectueusement. Alors, d'un pas delibere, il s'engagea dans le dedale
des couloirs, qu'il paraissait connaitre a fond, et parvint rapidement a
la porte d'un appartement a laquelle il frappa d'une maniere speciale.
Un laquais vint lui ouvrir aussitot et, sur quelques mots que le
mendiant lui dit a l'oreille, il s'inclina avec deference, ouvrit une
porte et s'effaca.
Le mendiant penetra dans une chambre a coucher. Cette chambre etait
celle du dogue de Philippe II, don Inigo de Almaran, plus communement
appele Barba Roja, lequel, presentement, le bras droit entoure de
bandes, se promenait rageusement, en proferant d'horribles menaces
a l'adresse de ce Francais, ce Pardaillan de malheur, qui lui avait
presque demis le bras.
Au bruit, Barba Roja s'etait retourne. En voyant devant lui une espece
de mendiant sordide, il fronca les sourcils, mais il reconnut le
personnage.
--Cristobal! s'exclama Barba Roja. Enfin, te voila!
Si Pardaillan se fut trouve la, il eut reconnu dans celui que Barba Roja
venait d'appeler Cristobal, le familier qu'il avait delicatement jete
hors du patio le jour de son arrivee a l'hotellerie de la Tour.
Qu'etait-ce donc que ce Cristobal? Le moment nous parait venu de faire
plus ample connaissance avec lui.
Don Cristobal Centurion etait un pauvre diable de bachelier comme il y
en avait tant a cette epoque en Espagne. Jeune, intelligent, instruit,
il avait resolu de faire son chemin et d'arriver a une haute situation.
C'etait plus facile a decider qu'a realiser. Surtout lorsqu'on ne se
connait plus de pere ni de mere et qu'on n'a ete instruit et eleve que
par la charite d'un vieil oncle, lui-meme pauvre cure de campagne, dans
un royaume ou pretres et moines sont legion.
Il commenca d'abord par se decharger de ces vains scrupules qui sont
l'apanage des sots et la pierre d'achoppement de tout ambitieux
fermement resolu a reussir. L'operation se fit avec d'autant plus de
facilite que les susdits scr
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