ai savant en philosophie,
en theologie et en procedures de toutes sortes. Et, pour varier ses
occupations et accroitre quelque peu ses maigres ressources, il donnait
une lecon a celui-ci, passait une these pour le compte de celui-la,
ecrivait un sermon pour le compte de tel predicateur, ou encore
redigeait les plaidoiries de tel avocat.
Or, un jour, comme il cherchait dans ses souvenirs d'enfance--ce qu'il
appelait: fouiller dans ses papiers de famille--il se rappela qu'une
de ses arriere-cousines avait, autrefois, epouse le cousin de
l'arriere-cousin de don Inigo de Almaran, personnage considerable,
promu a l'honneur de veiller directement sur les jours de Sa Majeste
catholique.
Don Centurion se dit que sa parente etait claire, evidente, palpable,
et que l'illustre Barba Roja--qui, somme toute, faisait en haut de
l'echelle sociale, et pour le compte du roi, ce que, lui, Centurion,
faisait en bas, pour le compte de tout le monde--ne pouvait manquer de
le comprendre et de le bien accueillir.
Il se trouva qu'en effet Barba Roja comprit admirablement le parti qu'il
pourrait tirer d'un sacripant instruit et vigoureux, decide a tout,
capable de tenir tete au casuiste le plus subtil, en meme temps capable
de diriger et d'executer adroitement un coup de main.
Il lui apparut que, pour l'execution de certaines expeditions
mysterieuses qu'il entreprenait de temps en temps, soit pour le compte
du roi, soit pour son propre compte, cet homme qui lui tombait du ciel
serait le lieutenant ideal qu'il n'aurait jamais ose esperer.
Don Cristobal Centurion eut donc cette bonne fortune de se voir bien
accueilli. Sa parente fut reconnue sans discussion et son nouveau cousin
le fit entrer d'emblee a la _General Inquisicion suprema_ avec des
appointements qui, pour si modestes qu'ils fussent, n'en parurent pas
moins mirifiques au bravo.
Dire que don Centurion etait tout devoue a Barba Roja serait quelque peu
exagerer. Une fois pour toutes, il s'etait debarrasse de tout sentiment
encombrant, et la reconnaissance etait au nombre de ceux-la. Mais il
etait trop intelligent pour n'avoir pas compris que, tant qu'il ne
se sentirait pas assez fort pour voler de ses propres ailes, il lui
faudrait s'appuyer sur quelqu'un de puissant.
Ah! si quelqu'un de plus puissant s'etait offert a l'employer, il n'eut
pas hesite a lacher et, au besoin, a trahir odieusement le confiant
Barba Roja. Mais, comme nul ne songeait encore a se l'attacher, il
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