aurais le droit... A
chacune de nos rencontres, vous avez voulu me tuer. Moi, j'ai toujours
agi sans haine avec vous... Je me suis contente de parer vos coups et
de vous desarmer, ce que vous ne pouvez me pardonner. Je vous ai connu
geolier et j'ai ete votre prisonnier. Je vous ai vu sbire et vous
avez voulu me faire arreter, sachant que ma tete etait mise a prix.
Aujourd'hui, vous avez descendu un echelon de plus dans l'ignominie et
vous avez voulu m'assassiner, lachement, par-derriere! Oui, certes,
j'aurai le droit de vous tuer, Jean Leclerc! Mais ce serait vraiment
trop simple... et, au surplus, je ne suis pas un assassin, moi! Mais,
pour tant de ferocite, unie a tant de felonie contre moi, qui ne vous
avais jamais rien fait... si ce n'est d'exercer vos jambes... j'ai
droit a plus et a mieux que le coup de dague que vous implorez. Or, ma
vengeance, la voici: je vous fais grace, Leclerc!... Mais, sachez-le
bien, si vous aviez eu le courage d'affronter mon fer, si vous m'aviez
combattu loyalement, vaillamment, comme un gentilhomme, cette fois-ci,
je ne vous eusse pas desarme et peut-etre meme vous eusse-je fait la
grace de vous toucher... Mais vous vous etes desarme vous-meme, Leclerc,
vous vous etes degrade vous-meme... Restez donc ce que vous avez voulu
etre.
Pardaillan aurait pu continuer longtemps sur ce ton, mais Bussi-Leclerc
en avait entendu plus qu'il n'en pouvait supporter. Bussi-Leclerc, qui
s'etait jete courageusement sur le fer de Pardaillan, ne put endurer
plus longtemps le supplice de ces injures debitees posement, d'une voix
presque apitoyee. Il prit sa tete a deux mains, et, se martelant le
front a coups de poing furieux, il s'enfuit en hurlant comme un chien
qui hurle a la mort.
Quand il eut disparu, Pardaillan, se tournant vers les trois ordinaires,
pales et raides d'emotion, continua:
--Messieurs, parce que, me croyant en facheuse posture, vous avez eu, ce
matin, la genereuse pensee de m'offrir vos services, je n'ai pas voulu,
ce soir, vous traiter en ennemis et vous tuer, ainsi que je pouvais le
faire. Mais, ajouta-t-il d'un ton plus rude et en froncant le sourcil,
mais n'oubliez pas que je me crois degage envers vous maintenant...
Evitez, messieurs, de vous heurter a moi...
Les temoins de cette scene ecoutaient avec un ebahissement profond cet
homme extraordinaire qui, attaque a l'improviste par trois braves,
lesquels ne paraissaient certes pas manchots, osait leur dire en face,
sans forf
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